Les Algériens ont une tendance innée à voyager. Après avoir été confinés depuis une quinzaine d'années chez eux à cause de l'insécurité et du terrorisme, ils ont, semble-t-il, repris goût aux voyages, surtout après l'amélioration de la situation sécuritaire. Les vacances à l'étranger ont réapparu mais la tendance actuelle est à la stagnation, car le faible pouvoir d'achat ne permet pas de grandes évasions estivales, ni le grand décollage du tourisme interne. Et pour ne pas se priver totalement de villégiature, certaines catégories se déplacent à l'intérieur du pays. Elles consomment local mais il n'y a pas suffisamment d'infrastructures pour accueillir tout le monde. Parmi les insuffisances constatées dans l'exercice des activités touristiques, il y a lieu de noter la dégradation des établissements hôteliers et des complexes touristiques, nécessitant leur réhabilitation, du fait de la faiblesse de l'activité touristique durant les années difficiles qu'a connues le pays. « Le voyage à l'étranger reste excessivement cher. Nous travaillons toujours sur une trame qui n'a pas beaucoup bougé. Nous avons maintenu une tradition sur six destinations : la Tunisie reste en tête, c'est la destination-phare à cause du rapport qualité/prix incontestable. Il y a des Algériens qui se déplacent en Egypte même en été. Les Egyptiens sont étonnés par la qualité et la capacité du touriste algérien à apprécier ce produit qui reste culturel et nécessite des connaissances de base sur le plan de l'histoire. Il y a aussi le Maroc qui arrive en bonne position, même si les aléas liés au transport et à la fermeture des frontières ne permettent pas un déplacement en masse par voie terrestre ; la Turquie reste une destination assez demandée mais, depuis quelque temps, l'attribution des visas se fait aux compte-gouttes », résume Hammouche Belkacemi, président-directeur général de l'Onat. D'autre part, et selon de nombreuses agences, la demande se diversifie : on sort du contexte d'Istanbul. La Tunisie en pole position L'agence Celex Travel propose, par exemple, de vivre un rêve à Antalya, perle de la Turquie à partir de 65 000 DA (visas - billets charter, transfert, hôtel et pension complète). Dam Tours reste fidèle au produit Grèce mais en ouvrant un vol direct avec Air Algérie (Alger-Thessalonik-Alger). Avant, elle faisait transiter les vacanciers par plusieurs points avant de débarquer en Grèce. Il y a des opérateurs qui développent des produits de tourisme lointain ou insolite mais la demande n'est pas importante (Malaisie, Amérique du Sud et Centrale). Le Touring voyages Algérie (TVA) propose les îles Maldives et l'Inde. L'île de Malte est suggérée en vol direct par le site internet www.100pour100voyages.com. L'offre englobe aussi Cuba, le Mexique et la Guadeloupe. Force est de reconnaître que certains Algériens ont tendance à élargir leur champ, désirant aller jusqu'à la Grande Muraille de Chine ! Ce sont généralement ceux qui ont l'habitude de tourner dans le bassin méditerranéen et qui ont compris la nécessité d'aller à la découverte de destinations lointaines telles que les Caraïbes, les pays asiatiques et le Moyen-Orient. Le tourisme dans ce cadre-là favorise le rapprochement des peuples, l'ouverture d'esprit, les échanges et les rencontres. L'Europe reste une destination prisée. Cependant, les visas restent un frein. Le visa de court séjour pour des visiteurs venant pour convenances personnelles, les visas de circulation, d'une durée d'un à cinq ans, permettent à des catégories de personnes ne présentant pas de « risque migratoire » de circuler plus librement et plus facilement (universitaires, journalistes, hommes d'affaires, commerciaux). Les autres paient les frais de dossier et attendent. En cas de refus, non notifié d'ailleurs, le sentiment de frustration domine. « Si les autorités consulaires en charge d'attribuer le visa accordaient ce sésame, beaucoup d'Algériens demandent à partir en Europe. Globalement, les offres européennes sont relativement chères par rapport aux capacités de consommation de l'Algérien », ajoute le Pdg de l'Onat. D'autres destinations profiteront ainsi de cette mesure pour faire le plein. Les Algériens vont généralement en Tunisie en famille. De nombreuses raisons expliquent cet engouement : proximité géographique, communauté de langue, connaissance des us et coutumes, absence de visa d'entrée, mais aussi modération du coût de la vie. Un million de touristes algériens ont en effet passé l'été dernier sur les côtes tunisiennes. Pour la première fois, ils ont été plus nombreux que les Libyens (800 000). Les jeunes mariés algériens sont également fort nombreux à roucouler du côté de Sousse, Monastir ou Hammamet. Si la Tunisie a réussi à séduire, ce n'est pas dû au simple hasard. Les autorités tunisiennes multiplient les campagnes de promotion en Algérie. Le bureau de l'Office national du tourisme tunisien (ONTT) en Algérie est très dynamique. Ce pays est représenté à chaque Sitev et des séjours de découverte, baptisés éductour, sont organisés au profit de journalistes triés sur le volet. « Après une année de travail, de pression et de stress, il est primordial de profiter de quelques jours de vacances loin de la routine », nous confie Adel, un jeune rencontré à l'entrée d'une agence de voyages à Alger-Centre. Le rush des voyageurs est attendu généralement vers la deuxième quinzaine de juillet et ce jusqu'au 31 août, s'accordent à dire les responsables des agences de voyages. Les Algériens se décident tardivement pour quelle destination ils vont opter. Ils le font après les résultats scolaires (bac, essentiellement) et le début des congés annuels attribués en juillet ou août. L'apport de la compagnie maritime a boosté cette destination. Un indicateur le prouve : l'état des ventes sur la Tunisie par bateau a énormément augmenté (Cnan Maghreb Line). Cette compagnie a facilité notamment les déplacements pour les gens du centre du pays. Les citoyens de l'est du pays utilisent la voie terrestre. Tunisair a une ligne aérienne entre Oran et Tunis. Business class Les autres compagnies telles que Qatar Airways restent dans le business. Il y a de la demande, les gens se déplacent sur l'Asie, la Chine et le Qatar, une plaque tournante (un hub) qui prend de l'ampleur au même titre qu'Abu Dahbi. Air France le fait sur Paris et la Lufthansa sur Frankfurt. L'Algérie est un point duquel ces compagnies puisent ; elles se battent en fait sur la continuité. D'ailleurs, les meilleures offres sont pour la correspondance, dès lors qu'elles sont sur des lignes où est implantée Air Algérie. Les voyageurs sont transportés à partir d'Alger sur le point du hub et par la suite les continuités deviennent moins chères, ou du moins à des tarifs étudiés. Dernière compagnie étrangère à avoir atterri sur le tarmac de l'aéroport international d'Alger, Spanair emboîte le pas à son homologue espagnole Iberia. Quant au tourisme réceptif, il a subi depuis quelque temps un tassement, contrairement au Grand Sud qui reste toujours le produit phare. « Nous avons développé le tourisme de mémoire à destination des anciens d'Algérie ; il y a d'autres produits qui arrivent et assureront un flux plus important (tourisme culturel) où nous disposons d'un potentiel extraordinaire ; ce créneau va nous apporter une satisfaction. Le culturel attire les Français, les Italiens, les Allemands et les Espagnols ; il y a des projets pour la fin de l'année et pour 2008 », nous explique un cadre de l'Onat. La frénésie du voyage est là. Les Algériens optent pour l'aventure, le dépaysement et l'authenticité. Ils veulent profiter de l'été pour se ressourcer et repartir du bon pied avant de renouer avec la routine du quotidien.