Histoire d'une femme, histoires d'Algérie. Avignon offre à qui veut l'entendre un voyage émouvant vers Alger. Avignon : De notre envoyé spécial Claire Néel, comédienne, a mis en scène le monologue La femme qui parlait à sa robe de chambre. C'est qu'elle en a des choses à dire, cette Franco-algérienne à la double culture ! L'auteur, Stani Chaine a créé ce texte entre 2005 et 2006, alors qu'il était invité en résidence d'écriture au Centre culturel français de la capitale algérienne. De ses observations, de ses relations, et de ses études de l'histoire lointaine et de ces dernières décennies, il donne à vivre un regard émouvant, tendre et ironique, parfois grinçant, sur l'Algérie d'aujourd'hui et d'hier. Il passe par le biais d'une femme : « Je suis humaine moi. Humaine, quoi ! Femme même. » Tout est dans cette déclaration. Notre confrère Mustapha Benfodil, journaliste et écrivain, dans sa préface résume l'intrigue d'une solitude à rebrousse poil : « De père algérien et de mère française, planquée dans un deux pièces quelque part rue Didouche, elle fait la causette à sa robe de chambre verte, à défaut d'une interlocutrice et chair et en os… » Ce chiffon, elle l'appelle « cousine », et lui dit tout : son grand-père algérien, son grand-père français, ses désirs, ses manques, ses musiques, son mari qui l'abandonne, sa mère morte il y a quelques mois. Et dans cette histoire personnelle, ce sont les événements et les situations de l'Algérie contemporaine qui surgissent et défilent mâtinés des odeurs algéroises et des douleurs de la décennie noire. Claire Néel fait un formidable rôle de composition car elle n'a jamais mis les pieds en Algérie : « Ce que mon ami Stani a écrit m'a beaucoup plu, nous explique-t-elle. Je me suis documentée, j'ai regardé des documents d'archives, lu des romans. Pour incarner le personnage, il faut vraiment fouiller. » Elle ajoute modestement : « Un personnage loin de soi, cela permet beaucoup de liberté. » Mais au fond, c'est le côté humain qui la touche : « Cette histoire n'est pas la mienne, mais je sens que cela m'appartient aussi. Mon pays a une histoire avec l'Algérie, on le voit bien dans cette histoire d'une femme entre deux cultures. » Cette composition l'amène à un autre regard sur l'Algérie, sur l'idée de l'exil, et sur les immigrés algériens qui vivent en France, loin des sensations nourricières des origines. « Cela m'interpelle. Comment on est obligé à un moment donné de quitter son pays et comment il faut s'habituer à vivre ailleurs, dans un pays qui n'est pas le sien, tout en se disant qu'on peut retourner au pays, mais en sachant que sa vie est maintenant ici. » La jeune comédienne professionnelle, pour faire vibrer ce personnage, s'est laissée guider par sa curiosité « de la vie et de l'humanité. L'humain est la base de notre métier, c'est ce qui nous pousse à voir le monde objectivement. Le théâtre c'est du spectacle vivant, on est face à de vraies personnes, pas face à un écran ». On veut bien le croire.