Alpha Oumar Konaré, président de la commission de l'Union africaine, a réagi hier au rejet de toute repentance affiché par le président français, Nicolas Sarkozy, lors de son discours prononcé à Dakar (Sénégal) au sujet de la colonisation qu'il a toutefois qualifiée de « grande faute ». Dans une interview à la radio RFI, M. Konaré a déclaré, a rapporté l'APS, qu'« une bonne partie du retard de l'Afrique est liée à cela (au colonialisme) et cette réalité, je suis sûr que le président (Sarkozy) la sait, (...) personne n'a le droit de la nier, et cela n'a rien à voir avec la repentance ». Cette exigence de mémoire ne peut pas être simplement le fait des Africains. Je le dis clairement, cette page, nous ne la déchirerons jamais », a ajouté le président de la commission de l'UA. M. Sarkozy a expliqué à Dakar que « la colonisation n'est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique », citant les guerres, les génocides, la corruption, les gaspillages. Pour rappel, le président Sarkozy avait nettement affiché son opposition à la « repentance » concernant le colonialisme en Algérie. « Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres », avait déclaré M. Sarkozy le 6 mai 2007, le soir du deuxième tour de l'élection présidentielle française. Lors de sa visite à Alger le 10 juillet, M. Sarkozy a déclaré : « Je viens ici ni pour blesser ni pour m'excuser (…). Les Algériens ont beaucoup souffert. Je respecte cette souffrance. Mais il y a aussi beaucoup de souffrance de l'autre côté et il faut la respecter. Je ne mets pas l'une sur un piédestal et l'autre en dessous. Je les regarde toutes les deux et je dis c'est l'histoire, c'est le passé. » Silence radio côté officiel, jusqu'à la réaction tardive de l'Organisation nationale des moudjahidine (voir El Watan du 25 juillet) : « L'ONM rappelle plus que jamais que seul un pardon au peuple algérien est de nature à permettre de tourner la tragique page du passé pour entrevoir une coopération saine pour le bien des deux peuples. » « L'injure », selon la presse sénégalaise L'ONM, réputée proche des cercles de décision, a également indiqué « l'ignorance de la sensibilité des Algériens et surtout celle de la génération de novembre qui sait les sacrifices consentis durant cette sombre période (...) Il est illusoire de croire à un partenariat constructif entre les deux pays qui se construirait sur la négation des faits historiques ». Pour en revenir aux réactions de M. Konaré, ce dernier a également jugé que le discours de M. Sarkozy « n'est pas le genre de rupture » qui était souhaitée. Un discours qui « n'est pas neuf dans le fond, il rappelle des déclarations fort anciennes, d'une autre époque, surtout quant à l'appréciation sur les paysans que je n'approuve pas », a commenté M. Konaré. M. Sarkozy a déclaré devant les étudiants de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar que « le paysan africain ne connaît que l'éternel recommencement du temps, rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès ». A l'adresse des « jeunes d'Afrique », le président français a affirmé que s'ils voulaient sortir de « l'arbitraire », de « la corruption », de « la violence », du « parasitisme » et du « clientélisme », c'était à eux « de le décider ». « Cet appel à la jeunesse africaine est un appel important (...) mais ce discours n'est pas nouveau en Afrique. Beaucoup de dirigeants africains le tiennent, les jeunes Africains le savent et beaucoup de ces jeunes depuis longtemps se battent », a réagi M. Konaré. « Je suis certain que le président souhaite la rupture (...). Je pense que pour l'aider dans la rupture, il a besoin de mieux connaître l'Afrique et nous sommes prêts dans ces échanges avec lui », a-t-il conclu selon l'APS. « Quand je l'ai entendu parler aux étudiants, dans un amphithéâtre plein à craquer, j'ai pensé à ces missionnaires venus en Afrique ‘‘civiliser'' nos arrière-grands-parents (...) Des clichés, encore des clichés, toujours des clichés. Quelle injure ! », s'offusque l'éditorialiste du journal sénégalais Sud Quotidien. Un autre quotidien de Dakar, Le Populaire, titre : « Les vérités (résumées) de Sarkozy aux Africains : ‘‘Arrêtez de pleurnicher !''. « Sans ambages, il a tenu les Africains pour responsables de leurs malheurs », ajoute le journal sénégalais Walfadjri.