Un Etat algérien à plus de 100 milliards de dollars de PIB par an et quasiment autant en réserves de change va-t-il organiser plus efficacement sa lutte antiterroriste ? La formule est ancestrale, l'argent est le nerf de la guerre. Et cela a commencé à se vérifier depuis que le GSPC a donné, en changeant le format de ses attaques, l'occasion à l'ANP de faire étalage de ses nouvelles acquisitions dans les opérations de terrain. Le succès de la contre-offensive de Yakouren doit beaucoup à l'intervention des hélicoptères de combat à vision nocturne. Le méga contrat d'armement - 7 milliards de dollars - signé avec la Russie il y a un peu plus d'un an à l'occasion de la venue de Vladimir Poutine en Algérie comprenait un volet hélicoptères de combat. L'armée de l'air algérienne utilise la génération des MI, ligne d'hélicoptères militaires russe, de combat ou de transport, depuis toujours. Elle a pu franchir un pas tactique important avec l'acquisition cette année des premiers hélicoptères MI 35 dans la version la mieux équipée pour le type d'engagement nocturne et en terrain très vallonné qu'a nécessité l'affaire de Yakouren. Les observateurs avertis ont bien noté qu'après la localisation du groupe d'islamistes armés « d'El Qaïda au Maghreb », l'assaut final a eu lieu de nuit. L'avantage tactique que procurent les nouveaux équipements de l'ANP, et à leur tête les hélicoptères de combat à repérage infrarouge et à tir guidé, a été cette fois totalement exploité. Il n'avait jamais donné des résultats aussi probants sur le terrain. Aussi, l'embellie financière aidant il faut s'attendre à ce que l'effort de modernisation des matériels de guerre de l'ANP se poursuivent selon la nouvelle intensité déterminé par le contrat russe de juillet 2006. Ainsi l'Algérie a déjà invité Moscou en mars dernier à participer à un appel d'offres pour la fourniture d'une frégate porte-hélicoptères et pour la construction de navires. La mobilité des bases d'hélicoptères de combat en vue d'intervention rapide, comme celle de Yakouren ce mois de juillet, est le prochain enjeu tactique du dispositif contre les maquis de l'ex-GSPC. La facture d'un tel effort d'équipement ne paraît plus être un frein devant les chefs de l'armée et la présidence de la République. Des négociations sont lancées depuis le printemps dernier pour l'achat auprès de la Russie de chasseurs bombardiers Soukhoï Su-32 et Mig 29 dans le format d'avionique le plus avancé, des chars T-90 et des systèmes antiaériens Pantsir. Si la préférence algérienne pour les matériels militaires russes va jusqu'au bout et que la Russie remporte la nouvelle salve de contrats qui se dessine, l'Algérie deviendrait ainsi le premier client de la Russie à l'étranger pour les ventes d'armes, devant d'autres pays, notamment l'Inde et la Chine avec lesquels l'industrie militaire russe a des contrats respectivement de 10 milliards de dollars et 6 milliards de dollars d'ici 2010. Les Soukhoï et les Mig achetés par Alger ont fait déjà coulé beaucoup d'encre l'année dernière. Sur le plan financier, ils prennent la part du lion dans les contrats. Mais sur le terrain opérationnel, l'acquisition des dernières versions des hélicoptères MI pèse plus lourdement dans la capacité d'action de l'ANP dans ce nouveau défi que lui lance les maquis « d'El Qaïda au Maghreb ». Un scénario pourrait rendre un peu inutile toute cette dépense annoncée : le retour de la guérilla islamiste à un mode opératoire beaucoup moins ambitieux que celui adopté depuis qu'elle a hérité de la franchise « El Qaïda ». La lutte antiterroriste redeviendrait essentiellement un travail de vigilance citoyenne et d'efficacité de forces de sécurité de proximité. On interpellerait alors moins le budget d'équipement de l'Etat que son budget de fonctionnement.