Pour beaucoup de familles indigentes, les associations sont le seul moyen d'éviter à quelque 30 000 petits enfants déboussolés la chaleur torride de la ville. Or, au niveau des associations de quartier, ils ne sont pas contents du tout, et pour une fois, ces gens discrets le disent. Cette année, ils vont encore refuser des milliers de petits nécessiteux pendant la période estivale comprise entre juillet et août ; les rares centres de vacances sont déjà réservés et « complets ». Et parmi les enfants qu'il a fallu refuser, beaucoup tireront un trait sur leur projet d'évasion. « C'est la même chose depuis des années et tout indique que cela va continuer », dit un responsable de ces associations. « Dans un centre de vacances à Aïn El Turck, on paie des gens pendant trois mois pour dire qu'on regrette, qu'il n'y a plus de places pour cette période. Tout le monde part en même temps pour une raison très simple : il n'y pas d'étalement de vacances d'été et la saison ne dure que deux mois et demi. Si on pouvait augmenter l'amplitude des vacances d'été de trois semaines, en faisant partir certains colons plus tôt, d'autres plus tard, on pourrait accueillir des centaines de petits enfants qui ne seraient pas privés de vacances », nous signale un animateur d'une association de quartier. Pour les colonies de vacances et les camps pour adolescents, c'est l'inverse : juillet est surchargé et il reste des places en août, le mois consacré aux vacances en famille. Mais là aussi, c'est la pénurie. Pas assez d'argent « Et il y a des milliers de jeunes qui ne peuvent partir faute de moyens et de places », affirme pour sa part le responsable de cette association qui attribue des « bourses de vacances » aux enfants nécessiteux. Paradoxalement, cette fois-ci, ce ne sont pas les plus pauvres qui ne partent pas : ceux-là sont en général bien aidés par les quelques entreprises publiques encore debout, où travaillent leurs parents. « Comment voulez-vous que nous acceptions de nouveaux colons si nous n'avons pas assez d'argent ? », ajoute notre interlocuteur. On ne peut pas lui donner tort puisqu'il a bien fait ses calculs. La situation a même empiré depuis quelques années. Autrefois, les colonies de vacances s'étalaient sur 90 jours grâce à l'apport financier de l'Etat. On en est à peine à 60 aujourd'hui. Actuellement, 2 petits Oranais sur 20 seulement sont directement concernés par les colonies de vacances. Mais si l'on ajoute tous ceux qui le sont indirectement, cela fait peu de monde. « Regardez, soupire ce responsable d'une association culturelle et sportive en désignant d'impressionnantes piles de dossiers qui encombrent son petit bureau, « tout ce tas de papiers, de notes, de rapports est consacré aux vacances scolaires de nos chers petits enfants, lesquels sont d'ailleurs les seuls à qui on ne demande pas leur avis. » En fin de compte, des parents sont bien contents pour leurs petits qui ont la chance de dégoter une petite place dans les rares centres de vacances du littoral oranais. Quant à ceux qui ne partiront pas cette année, ils se consoleront sans doute en profitant du transport fort limité dans le cadre de l'opération « Plan Bleue » qui prévoit de transporter 20 000 petits enfants des quartiers pauvres de la ville d'Oran.