La défaite de la JS Kabylie, en Ligue des champions africaine, est difficilement acceptée par les Algériens, mais ils la relativisent. Face aux footballeurs tunisiens, le club du président Hannachi est tombé sur plus fort que lui. C'est tout à fait la loi du genre et il n'y a vraiment pas de quoi en faire un drame national. Car enfin, la JS Kabylie n'est pas aujourd'hui la seule équipe à avoir failli et son échec est à placer dans le contexte plus large des échecs du football algérien, absent des compétitions significatives depuis plus de vingt ans. Pourquoi la JS Kabylie devrait-elle être plus blâmée que la sélection olympique éliminée par son homologue d'Ethiopie, voire la sélection nationale surclassée par le Gabon, l'Angola ou la Guinée qui lui barrent la route des joutes continentales ou mondiales ? Il convient de faire preuve de lucidité et d'humilité face à cette permanence de l'échec et savoir prendre la mesure de ses limites. La JS Kabylie est une formation emblématique qui a connu, il n'y a pas longtemps, une phase ascendante qui l'avait placée au sommet de la scène footballistique continentale. Mais à ce jeu-là, elle n'est pas seule au monde, car d'autres équipes africaines estiment avoir la capacité de s'impliquer dans le challenge et de lui contester la suprématie qui était la sienne. C'est le cas des Egyptiens d'El Ahly, dont les performances ont été couronnées par une participation à la coupe du monde des clubs de football. Au même moment, la JS Kabylie ne pouvait que se targuer d'avoir été championne d'Afrique, alors même que l'histoire ne s'arrête pas et qu'elle est même oublieuse des sacres du passé. Pour autant, encore une fois, ce n'est pas cette équipe qui est à accabler, puisque manifestement elle n'a pas les capacités de transcender la réalité du football algérien s'il ne faut parler que de lui. Quid des autres disciplines qui, à l'image de l'athlétisme, avaient valu au sport algérien de se couvrir de gloire et dont les récents Jeux africains d'Alger ont illustré la tombée en déshérence ? Des milliers de dinars sont dépensés alors qu'il suffit d'une petite aire et d'un peu de sable pour former dans les communes d'Algérie des sauteurs en longueur. Personne ne s'inquiète du dépérissement des jeux scolaires, qui avaient donné au pays une Hassiba Boulmerka, et l'indignation devrait être à son comble parce qu'un club a perdu, à la régulière, un match de football ? Il faut savoir raison garder et analyser cet échec comme la résultante des dysfonctionnements d'une discipline sportive qui perd tout son sens si elle est dénuée d'idéal et livrée aux aléas du mercantilisme. Il est notable que le football, plus que tous les autres sports, a basculé ces dernières années dans une sarabande démesurée qui voit la cote de joueurs sans réelle envergure évaluée à un milliard de centimes, sans que leur rendement sur le terrain soit équivalent au milliard investi. En contrepartie de sommes colossales, le sens du spectacle s'est érodé et l'on voit des footballeurs totalement éreintés et démunis de cette soif de gagner qui permet à leurs adversaires, en compétitions internationales, de les supplanter en leur imposant de véritables galères dont les enseignements et les leçons à tirer sont restés lettre morte. Sinon, pourquoi accepter le fait que plus aucun athlète algérien ne puisse s'aligner sur le 1500 m avec les meilleurs dans le monde, que nos haltérophiles soient toujours surclassés, et que nos handballeurs soient rentrés dans le rang ? Ce n'est pas une question d'orgueil, mais de pragmatisme. Après la défaite, la vie sportive continue et ce ne sont ni les anathèmes vexatoires ni les exercices d'autoflagellation qui remettront les uns et les autres dans une dynamique de victoire. Il ne suffit pas de se croire capable de gagner, il faut d'abord – à l'épreuve des autres – pouvoir le faire.