Ils étaient une bonne vingtaine, femmes et hommes, vêtus de gandouras et autres robes typiquement sahariennes, à venir taper à la porte de la maison de la presse, hier à Alger, dans l'espoir de trouver une solution à leur problème. « Vous, les journalistes, êtes notre dernier recours », s'écrit Abdelwahed le visage bronzé. Adossés au mur de la maison de la presse, ils sont venus crier leur douleur au milieu d'un dispositif de sécurité renforcé. « Non à la hogra », « Nous sommes les vrais habitants de Hassi Messaoud ! », « Nous avons le droit de vivre décemment », lit-on sur les banderoles accrochées à la façade du mur d'enceinte de cet édifice public. Journalistes et simples citoyens s'arrêtent et s'approchent de ces misérables damnés de la terre qui ont fait plus de 800 km pour hurler leur douleur de se retrouver à la rue. En effet, racontent-ils, le 1er juillet dernier, les autorités municipales de Hassi Messaoud ont décidé de raser un bidonville situé au beau milieu de la ville et de procéder au relogement des familles qui y vivotaient depuis des années. Au total, ce sont 305 logements qui seront distribués aux anciens locataires du bidonville. Mais pas tous. Au moins une soixantaine de familles a été tout simplement exclue de l'opération de relogement, alors que le quota de logements a été épuisé. Leurs misérables bicoques détruites, certains ont élu domicile dans une tente généreusement offerte par un citoyen chagriné et d'autres habitent dans une petite mosquée désaffectée avec femmes et enfants. Pourquoi n'ont-ils pas été relogés comme tout le monde ? « Beaucoup de personnes ont bénéficié de logement alors qu'ils avaient déjà leur propre appartement. D'autres n'habitent même pas Hassi Messaoud et se sont vu offrir des logements neufs alors que nous, plus de 60 nécessiteux, nous nous sommes retrouvés du jour au lendemain à la rue… ! » Abdellah est pratiquement au bord du crise de larmes. Il ne comprend pas comment les autorités peuvent agir de la sorte contre de misérables citoyens. « Nous avons frappé à toutes les portes et personne n'a voulu prendre en charge notre requête. Le maire dit qu'il n'est à son poste que provisoirement puisque l'ancien a pris l'argent et s'est enfui, alors que le wali nous a dit : moi je pars en retraite, laissez-moi tranquille ! » En désespoir de cause, les contestataires ont décidé de monter à Alger pour se faire entendre. « Nous n'avons pas dormi, nous avons démarré hier soir de Hassi Messaoud et nous venons juste d'arriver à la gare routière », affirme Kamel, les yeux rougis par la fatigue. Première résolution de ce groupe de « sudistes » : ils ont décidé d'entamer depuis hier une grève de la faim à Alger pour attirer l'attention des autorités. « Nous avons nos droits, nous sommes des Algériens, nous avons notre part dans ce pays ! », tonne Abdelwahed, plus que jamais décidé avec ses amis d'infortune à ne pas faire marche arrière. Hier encore, et jusqu'à la mi-journée, les malheureux citoyens de Hassi Messaoud faisaient encore le pied de grue à la maison de la presse en attendant qu'une autorité veuille bien les écouter. Ils seront priés en début d'après-midi de quitter les lieux par les forces de l'ordre dont les talkies walkies n'avaient pas cessé de grésiller pendant toute la durée de ce sit-in. Il est vrai que le « spectacle » de ces desperados du désert n'était pas spécialement amusant pour les autorités, surtout pas en plein cœur d'Alger.