La justice militaire américaine a annoncé jeudi dernier avoir abandonné les poursuites contre deux soldats accusés d'avoir été impliqués dans l'affaire de la tuerie du village de Haditha en Irak, où 24 civils ont trouvé la mort en novembre 2005, ont rapporté les agences, le plus grave assassinat délibéré de civils par des soldats américains depuis le début de la guerre contre l'Irak. La décision de renoncer aux poursuites contre les deux marines a été annoncée à Camp Pendleton, dans l'ouest de la Californie (ouest des Etats-Unis), par le général James Mattis, chef du parquet militaire chargé de cette affaire. Le général Mattis a affirmé avoir réexaminé le rapport d'un enquêteur sur le cas du caporal Sharratt, rapport où il n'a pas trouvé de preuves suffisantes. « Sur la base de mon réexamen de toutes les preuves dans cette affaire (...), j'ai abandonné les poursuites », a-t-il expliqué. Le caporal Sharrat, âgé de 22 ans, soupçonné de meurtre et le capitaine Stone, 35 ans, accusé de manquement au devoir pour ne pas avoir signalé dans les règles la mort des civils, ont tous deux bénéficié d'un non-lieu. Selon les avocats de la défense, les civils auraient été tués pendant de violents combats entre l'armée américaine et des insurgés. Cette version n'était pourtant pas partagée par les procureurs chargés de l'enquête, qui ont évoqué un acte de vengeance des troupes américaines stationnées dans la région. Cette version de l'histoire a été révélée en mars 2006 après qu'un étudiant en journalisme irakien ait donné une vidéo au magazine américain Times. Après avoir interrogé des témoins à Haditha (260 km à l'ouest de Baghdad), l'hebdomadaire Times et le quotidien New York Time publient, en mars et en mai 2006, le récit des événements : le 19 novembre 2005, une bombe artisanale avait explosé au passage d'un véhicule Humvee transportant des marines de la compagnie Kilo du 3e bataillon de la 1re division de marine, tuant le caporal Miguel Terrazas, âgé de 20 ans. Le lendemain, pour venger la mort du caporal, les soldats se seraient livrés, pendant plusieurs heures, à des tueries. Des hommes de l'unité du caporal Terrazas exécutent les cinq occupants d'un taxi, tous Irakiens, âgés de 18 à 25 ans. Puis, les marines se dirigent vers le village de Haditha. Vengeance « Hiba Abdullah habitait l'une des trois maisons visitées par les marines. Elle raconte qu'elle a vu les soldats américains tuer son mari Rachid. Puis tirer sur son beau-père, Abdul Hamid qui, à 77 ans, ne se déplaçait qu'en fauteuil roulant. Sa belle-sœur, Asma, s'est évanouie en voyant mourir son mari. Hiba s'est échappée. Lorsqu'elle est revenue, Asma était morte, ainsi que les quatre autres personnes qui vivaient dans la même maison. Selon son témoignage, l'une des victimes, son neveu Abdullah Walid, était âgé de 4 ans seulement », avait rapporté le New York Time. Selon le quotidien, parmi les corps retrouvés, un vieil homme tenant un Coran, une mère et son fils en prière… Après le massacre, les religieux et les anciens de Haditha sont allés protester à la base américaine voisine. Un voisin des victimes, Salim Habdullah, explique que certaines familles ont reçu jusqu'à 2 500 dollars de la part d'officiels américains pour garder le silence sur l'affaire. Sous la pression médiatique, l'armée américaine a été obligée d'ouvrir une enquête sur la tuerie de Haditha, et une autre sur les tentatives visant à couvrir cette affaire. En novembre dernier, huit militaires ont été inculpés, avec quatre soldats accusés de meurtres et quatre officiers accusés de ne pas avoir enquêté sur la tuerie. Les poursuites contre Sanick Dela Cruz, l'un des huit accusés, ont déjà été abandonnées. Le principal inculpé dans cette affaire, Frank Wuterich, fait face à 18 chefs d'accusation. Il doit comparaître devant un tribunal militaire le 22 août prochain. Cette affaire intervient alors que la justice militaire de Camp Pendleton vient de condamner le dernier des huit marines inculpés dans une autre affaire, celle de Hamdania, au nord de Baghdad, en avril 2006. Le 3 août dernier, un sergent des marines a été condamné à 15 ans de prison ferme pour le meurtre d'un civil irakien. Sept de ses subordonnés ont vu leurs torts établis dans cette affaire, et ont été condamnés entre un et huit ans de réclusion depuis fin 2006. L'armée américaine est impliquée dans une série de scandales en Irak où des soldats sont soupçonnés de crimes de guerre, notamment d'avoir tué ou maltraité des civils.