Les travailleurs de l'unité Aïssat Idir de la filiale Mezeghena d'Eriad Alger se sont rassemblés mercredi dernier devant le siège de la société de gestion des participations céréales au Ruisseau (Alger) pour demander le payement de six mois d'arriérés de salaires et protester contre la reprise de leur unité par le groupe privé La Belle. Brandissant des baguettes de pain et des pancartes sur lesquelles était inscrit « Six mois sans salaires », le collectif des travailleurs a indiqué s'en remettre à l'arbitrage du président de la République pour trouver une solution à son problème. Il reproche aux pouvoirs publics de ne pas l'avoir associé dans le processus de cession de son unité. La procédure n'a pas été respectée, ont-ils assuré. D'après eux, l'entreprise a été cédée de gré à gré alors que la réglementation stipule qu'une telle opération doit être ouverte à la concurrence. « Le groupe La Belle a acquis l'unité Aïssat Idir pour 14 milliards de centimes. Mais si on fait une évaluation réelle, on se rendra compte que le patrimoine de l'entreprise coûte beaucoup plus cher. Sans oublier que nous détenons des créances sur des clients d'un montant de plus de 100 milliards de dinars », relève l'une des manifestantes, cadre de cette unité. Les travailleurs revendiquent d'ailleurs qu'une enquête soit ouverte par la brigade économique de la police ou la Gendarmerie nationale sur les finances de cette entité. Cette situation qui dure depuis le mois de mars dernier date à laquelle la décision du conseil des participations de l'Etat portant cession de l'unité Aïssat Idir du groupe Eriad Alger au groupe La Belle a été à l'origine de plusieurs drames sociaux, témoignent les travailleurs. Et de raconter le cas d'une employée, mère de huit enfants qui est décédée faute de pouvoir acheter des médicaments pour se soigner. « Ils nous poussent à la dérive », s'insurge l'un des employés rassemblés devant la SGP, tandis que l'un de ses collègues a menacé de monter aux maquis si leurs doléances ne sont pas prises en considération. Un bon deal Les travailleurs affirment qu'ils refusent de travailler sous la coupe du groupe La Belle qui, soutiennent-ils, les a méprisés. « Il a demandé à des cadres de l'entreprise de faire le ménage. Il nous a insultés et menacés par téléphone, voire par SMS », fulmine un autre protestant. L'ancien directeur général de l'unité, Bensefia El Khier, a confié avoir été écarté par le président du conseil d'administration, car il a refusé d'endosser un inventaire du patrimoine de l'entreprise dans lequel on n'avait pas inclus un certain nombre d'équipements acquis récemment. « Les négociations ont été faites sous la table. Ils ont vendu les employés comme du bétail sans même les consulter », a-t-il déploré. La directrice du groupe Eriad Alger, Djamila Ikheneche, dément totalement les accusations des travailleurs selon lesquelles la procédure n'a pas été respectée pour la cession de l'unité au groupe La Belle. « Nous avons lancé deux appels d'offres le 15 janvier et le 18 novembre 2005 qui ont été infructueux. C'est alors qu'il y a eu manifestation d'intérêt du groupe La Belle avec lequel la SGP céréales a négocié pendant une année. Nous avons respecté la procédure de bout en bout. La décision de cession a été prise par l'Etat algérien », a-t-elle indiqué. Elle révélera que les travailleurs ont saisi l'inspection du travail qui les a déboutés. « Ils n'ont pas été payés, car ils ont interdit l'accès au repreneur. On a fait une séance de travail au niveau du ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements en juillet dernier. M.Dahmani a dit qu'il ne voulait pas leur payer les arriérés de salaires, car ils l'empêchaient d'entrer à l'unité. Le ministère s'est engagé à les payer, mais à condition que le groupe La Belle prenne fonction », a-t-elle révélé. Elle a également réfuté l'information selon laquelle les travailleurs n'ont pas été associés. « Nous avons fait plusieurs séances de travail avec eux et la coordination syndicale a validé l'opération de privatisation pour le compte du groupe La Belle », insiste-t-elle. La transaction réalisée avec le groupe acquéreur est, selon elle, un bon deal, du moment qu'il s'est engagé à maintenir l'ensemble de l'effectif estimé à 151 employés, à réintégrer plus d'une centaine d'autres et à créer une centaine de nouveaux emplois et ramener ainsi le personnel à 389 personnes en 5 ans. Le manager du groupe La Belle, Hamid Dahmani, se dit pour sa part désarçonné par le comportement des travailleurs de cette unité, estimant avoir été très correct avec eux. « Au lendemain de la résolution du CPE et avant même la signature du contrat, je suis allé les voir avec un agent bancaire pour l'ouverture de comptes afin de leur payer le mois de mars. Ils nous ont accueillis avec des banderoles nous demandant de leur donner des indemnisations pour 35 mois de salaires. Il y a une minorité de travailleurs qui manipule les autres, car certains employés sont prêts à reprendre le travail, mais ils ont été menacés », a-t-il indiqué. Avant d'enchaîner : « J'ai pris la décision de recourir à la justice, car j'ai un grand manque à gagner. Il ne faut pas oublier que j'ai hérité de 30 milliards de centimes de dettes », a-t-il averti. « Tout ce que je leur demande, c'est de reprendre le travail. Ensuite, je suis prêt à leur assurer tous leurs droits », a-t-il conclu.