Au terme de la revue des dépenses publiques (RDP) menée en 2005 et 2006, la Banque mondiale (BM) fait un diagnostic alarmant sur la gestion des investissements publics en Algérie, particulièrement pour les projets inscrits au plan complémentaire de soutien de la croissance (PCSC). Un plan quinquennal (2005-2009) qui prévoit, faut-il le souligner, une dépense de 50 milliards de dollars US en sus des programmes d'équipements prévus dans les différentes lois de finances (ordinaires et complémentaires) ainsi que dans le cadre de l'aide au développement des régions des Hauts Plateaux et du Sud. Au total, ce sont plus de 150 milliards de dollars US qui sont dégagés par les pouvoirs publics entre 2005 et 2009. L'autopsie retranscrite dans la revue Nawafid sur le Maghreb de la BM par José R. Lopez Calix, économiste leader pour le Maroc et l'Algérie, signale plusieurs carences, notamment sur les plans institutionnel et sectoriel, de l'économie de l'investissement public, de la qualité des projets et de la maîtrise des coûts. Pour cet économiste, « le système national d'investissement public a besoin d'être modernisé ». Tout en faisant constater la « lenteur » de la réforme budgétaire, José R. Lopez Calix suggère la mise en place d'une agence spécialisée pour la supervision des projets « majeurs ». De même, les projets publics subissent la faiblesse des compétences techniques du personnel en charge de l'exécution, souligne la BM, avant de soutenir qu'« il est improbable que ce niveau s'améliore dans un avenir proche ». Des projets non conformes Les wilayas et autres institutions de gouvernement locales affichent les mêmes lacunes, selon la RDP. Aussi, la synthèse de José R. Lopez Calix note « une faible efficacité de l'investissement public découlant principalement d'une qualité de projet inégale ». Plus précise, la Banque mondiale souligne que « les projets d'envergure ne sont souvent pas conformes aux standards techniques minimes et peu, voire aucun suivi, n'est effectué étant donné qu'aucune base de données centralisée des projets PCSC n'existe ». Pour la BM, la conséquence en est que les objectifs ne sont que « partiellement » réalisés. Pis encore, « plusieurs projets ne devraient même pas être poursuivis », écrit l'économiste dans son compte rendu. Ces problèmes, poursuit le document, sont « intensifiés par une allocation de ressources trop grande par rapport à la capacité d'absorption locale ». La résultante du dysfonctionnement des procédés d'évaluation est résumée par José R. Lopez Calix qui écrit : « Alors que les coûts initiaux sont pour la plupart sous-estimés, les coûts finaux sont, à l'inverse, très souvent surestimés. » La faiblesse de la capacité d'absorption implique des risques considérables de coûts trop élevés, alerte le rapport de la RDP qui juge, par ailleurs, que « des problèmes plus spécifiques de mise en œuvre apparaissent comme communs à tous les secteurs ». Dans le même ordre d'idée, la BM qualifie la plupart des stratégies sectorielles (à l'exception de l'éducation) d'« obsolètes ». Un constat qui conduit à « des concentrations stratégiques du PCSC implicitement biaisées envers les projets de construction d'infrastructures ». Tout en estimant que le PCSC est « financièrement viable à moyen terme », l'institution de Bretton Woods met en garde les pouvoirs publics algériens contre trois dérives possibles. Premièrement, les autorités devront prendre soin de limiter les augmentations dans les dépenses courantes dérivées des investissements PCSC. Ensuite, la BM conseille la mise en œuvre « graduelle » durant toute la vie du projet en ce sens que le dégagement total des financements peut aboutir au « gaspillage et à la corruption ». Enfin, de l'avis de José R. Lopez Calix, « lorsque le PCSC touchera à sa fin, les autorités devront adopter des actions concrètes afin de revenir à un niveau de dépense viable à moyen terme ». L'expertise de la BM se conclut par trois principales recommandations. Il s'agit de l'impérative nécessité de restructurer le système national d'investissement public accompagné de l'accélération de la modernisation de la gestion budgétaire. En dernier, il est espéré que la Caisse nationale d'équipement pour le développement (CNED), récemment créée, ait un rôle central, notamment par la mise sur pied d'une base de données centrale des projets « majeurs » PCSC.