Sous un soleil de plomb, du haut de ses 1,60 m et ses 29 printemps, Sihem veille à la bonne marche de la circulation routière au niveau d'un des carrefours du bruyant Alger-Centre. Le sourire irradiant sa frêle silhouette, elle incarne par sa présence sur ce terrain, investi d'hommes, une petite victoire sur des siècles de misogynie. Son coup de sifflet, qui retentit tel un appel à l'ordre et à la discipline, s'assimile presque à une invitation à voir se mouvoir et se traduire la détermination de la femme algérienne sur un espace public qu'elle franchit et conquiert. « J'accomplis mon devoir », nous dit-elle en parlant de son travail. Et d'ajouter : « Je suis venue à ce métier par amour. C'est un honneur à la fois pour moi, pour ma famille et pour tous les Algériens », nous confie-t-elle avec fierté. Nous l'arrachons à son contraignant travail le temps de savoir comment elle passe son quotidien. Elle nous dit : « Cela fait déjà quatre années que j'exerce en tant qu'agent de l'ordre public. Au début, c'était un peu difficile pour moi de m'habituer au rythme de travail, commencer à 7h et rester debout jusqu'à 13h, à supporter le regard des gens. J'avoue que cela a été dur à supporter. Mais petit à petit, j'ai appris à m'y adapter, je trouve même cela tout à fait anodin et je n'ai aucun complexe à être regardée. » Sihem nous confie qu'il reste encore quelques personnes qui manifestent un certain embarras à se voir dire par une femme d'arrêter leur véhicule et leur demander leurs papiers. « Je leur fais comprendre que je suis là pour accomplir mon travail dans le respect strict de la loi, et je suis là pour la faire respecter. » Cette détermination, nous l'avons retrouvée chez une de ses collègues travaillant à un autre carrefour de la capitale. Nous l'appellerons Nawel, puisqu'elle a gardé l'anonymat. Nawel fait partie du groupe des dix premières femmes motards algériennes. Avec ses bottines de motard qui épousent parfaitement ses rondeurs féminines, la jeune policière de 27 ans est déjà à sa 6e année dans le métier. « Au début, les citoyens avaient un peu de mal à accepter la chose, mais aujourd'hui ils trouvent que c'est tout ce qu'il y a de plus normal », souligne Nawel en essayant de cacher sa timidité sous son képi. Sans chercher ses mots, elle déclare : « J'ai choisi de faire partie des premières femmes motards algériennes, c'est un réel honneur, et mon souhait c'est de faire honneur à mon pays. » Tout en notant qu'elle a refusé de suivre ses parents pour vivre à l'étranger et avoir fait le choix de rester en Algérie et devenir policière. Rendant hommage à ses collègues hommes, Nawel souligne qu'ils ont toujours été là pour la soutenir. « Lorsqu'un citoyen vient me demander un renseignement ou de l'aide, je sens réellement que je suis à son service, j'oublie tout ce qu'il y a autour et les remarques parfois désobligeantes de quelques-uns qui ont du mal à nous voir sur le terrain. » A la fois policières et gendarmes, elles sont satisfaites de l'accueil qui leur a été réservé par leurs collègues au niveau des deux corps. Toutes les femmes que nous avons interrogées affirment s'être intégrées sans heurts et n'ont pas trouvé de mal à s'affirmer dans leurs services respectifs. Safia, 24 ans, originaire de Mascara, exerce en tant qu'agent administratif au niveau du commandement de la Gendarmerie nationale. « L'idée de devenir gendarme est partie d'une réaction que nous avions eu avec quatre copines suite à une proposition faite par des gendarmes à des camarades de classe garçons de rejoindre le corps de la gendarmerie. Nous nous sommes levées pour dire : ‘'Est-ce que vous recrutez des femmes ?'' La réponse a été oui et tout a commencé ce jour-là », nous révèle-t-elle. Safia remercie le Ciel de ne pas avoir de grand frère qui aurait pu l'empêcher de faire carrière dans la gendarmerie. « Dieu merci, mon père est très ouvert et surtout il a confiance en moi, il a tout de suite accepté mon choix. Il nous disait tout le temps : “Je ne suis pas éternel, il faut que vous appreniez à compter sur vous-mêmes », j'ai suivi son conseil”, dira Safia qui dit ne pas regretter son choix. Rahmoune Meriem, ingénieur en électronique, est adjointe, chef d'atelier affecté au service central des transmissions. Appelée à gérer l'atelier, Meriem dit ne pas avoir de mal à commander des hommes : « C'est le grade qui fait la différence, je n'ai aucun problème à faire aboutir mes ordres par mes subordonnés. » Si les femmes sont absentes des postes aux frontières, elles suivent à distance le travail sur le terrain. C'est le cas de la sous- lieutenant, Sekkaoui Nawel, diplômée en sciences politiques, qui occupe le poste de chef de section chargée de la sécurité aux frontières : « Mon travail consiste à suivre la sécurité aux frontières, contrebande, immigration clandestine, conflits et terrorisme, tous les rapports me sont destinés afin que j'en exploite le contenu pour en faire un point de situation à envoyer au général qui est habilité à prendre les décisions qui s'imposent. » Nawel Sekkaoui, âgée de 25 ans est fille d'un gendarme, et dit avoir toujours rêvé de suivre l'exemple de son père : « J'ai été sélectionnée à la suite d'un concours, ensuite, j'ai suivi une année de formation militaire et deux années dans la police judiciaire. Puis, j'ai été affectée à ce service depuis exactement une année. »