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Les réformes médicales, une nécessité
Publié dans El Watan le 16 - 08 - 2007

Au sein de notre communauté médicale, il y a au moins un consensus : notre médecine se porte mal.
Cependant, la nature des maux et surtout des moyens de les traiter n'ont pas à ce jour été abordés, tout au moins dans les organismes institutionnels chargés de promouvoir les réformes nécessaires pour redresser une situation jugée pour le moins et pour beaucoup comme très préoccupante. Il ne faut être cependant pas grand clerc pour s'apercevoir que cette situation découle de notre immobilisme, de notre routine, de notre bureaucratie, de notre inadaptation aux problèmes nouveaux, de notre refus de se projeter dans l'avenir et surtout de notre retard technologique. Dans ce contexte, il est important de souligner que la maîtrise de quelques acquisitions modernes que nous appliquons dans certaines disciplines de pointe l'ont été par opportunité de conjoncture ou par hasard mais surtout par le fait volontariste d'une personne ou d'une équipe. Faute d'anticipation, nous avons été incapables de générer une élite capable de maîtriser la technologie moderne. L'Etat dans notre système de fonctionnement, décidant de tout, n'a jusqu'à ce jour rien proposé de nouveau depuis la réforme des études médicales qui, faut-il le rappeler, ont été promulguées dans les années 1970. On peut dire d'une façon globale que ces réformes ont répondu aux besoins de l'époque, tant sur le plan social qu'économique. Le nombre de médecins formés était appréciable, la couverture médicale était acceptable pour les besoins de l'époque et le niveau de notre médecine était jugé bon. Il était évident pour les concepteurs de cette réforme qu'une évaluation était nécessaire pour analyser les effets aussi bien positifs que négatifs. Faute de bilan, une quiétude s'est installée faisant croire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Et de fait, nous n'avons pas vu arriver les technologies modernes, les maladies chroniques comme les cancers, les insuffisances rénales et les maladies cardiovasculaires, par exemple, qui sont et vont devenir de plus en plus les maladies qui seront les causes les plus fréquentes de morbi mortalité. Nous avons laissé s'installer une pauvreté pour nos médecins et nos enseignants qui, faute d'une rémunération décente (l'enseignant algérien est 3 fois moins rémunéré que ses collègues des pays voisins) au lieu de travailler plus vont aller travailler ailleurs pour gagner plus. On assiste à un exode de nos meilleurs éléments qui sont obligés de s'exiler, faisant le bonheur des pays qui les accueillent et qui, n'ayant pas eu à assumer la charge de leur formation, vont les « polir » pour les adapter à leur système. Ils participent, à leur façon, à la croissance de ces régions qui les reçoivent. Cet immobilisme sclérosant va empêcher toute vision dans l'avenir, toute innovation de la gestion de nos hôpitaux et compromettre gravement la carrière de nos médecins et, surtout, continuer à adresser des malades pour des soins de haut niveau et faire appel à des praticiens étrangers. Il n'est pas étonnant que notre université soit parmi les dernières dans les classements internationaux et que notre système de santé, selon l'OMS, figure à un rang peu flatteur venant même après des pays aux moyens plus modestes que le nôtre. Ce retard technologique fait en sorte que nous sommes obligés de faire appel à des praticiens étrangers pour traiter des pathologies qui demandent un peu plus de savoir-faire. Est-il logique, est-il acceptable que l'Algérie entière ne dispose pas d'un centre de chirurgie pédiatrique et de laisser en souffrance plus de 2000 enfants ? Est-il logique et acceptable qu'un grand nombre de coronariens soient encore traités à l'étranger ? Est-il logique et acceptable que le Sud et le Grand Sud au moment où la télémédecine a fait des progrès considérables restent un désert médical ? Nous sommes rentrés dans l'ère du savoir et des technologies de pointe qui exigent innovation, stratégie cohérente et une formation en conséquence n'admettant que les plus doués, les plus disposés et les plus motivés. La médecine moderne est de plus en plus efficace, grâce à un matériel hautement sophistiqué et très onéreux, qui ne peut souffrir d'être dispersé et localisé un peu partout ou attribué par hasard ou sous diverses influences et n'être utilisé que par une seule spécialité. A titre d'exemple, bientôt sera mis sur le marché une imagerie médicale de résonance magnétique qui pourra visualiser en quelques minutes l'ensemble de l'organisme humain. En un temps record, on pourra ainsi lire ce qui se passe dans le système nerveux, digestif, cardiovasculaire... Compte tenu de ses performances, de son coût, de la nécessité de techniciens hautement compétents pour le faire fonctionner, elle ne peut pas être installée dans un service ou une petite structure. Elle doit être localisée dans un centre ayant le statut de pôle d'excellence.
Réformes et formations
Ces technologies du futur vont nous imposer une remise en question de nos hôpitaux traditionnels et une formation différente de nos médecins. Pour citer un exemple pratique, nous avons plaidé les uns et les autres, et moi en premier, la multiplication de centres de diagnostic et d'angioplasties pour le traitement des syndromes coronaires surtout aigus (les infarctus). Or, tout le monde est d'accord aujourd'hui, et cela est déjà appliqué dans beaucoup de régions avec succès, que la prise en charge de ces patients doit se faire dans des grands centres disposant de moyens modernes et d'équipes expérimentées travaillant 24/24. Cela peut se traduire par l'installation de 2 grands pôles à Alger et d'un dans les grandes villes du pays. Cela permettra de diminuer le nombre d'installations, la dispersion des compétences et, surtout, aidera à sauver des dizaines de vie à des personnes parfois jeunes. La situation est grave, notre formation est désuète, notre technologie accuse un retard considérable. Alors, sans tergiverser, il faut entreprendre des réformes profondes ayant pour objectif l'efficacité, la maîtrise technologique et l'épanouissement de nos jeunes. Cette vision nouvelle doit s'appuyer sur un observatoire des connaissances nouvelles et une formation qui ciblera des jeunes responsables et compétents.
1. L'observateur des connaissances nouvelles aura pour tâche d'anticiper sur les techniques du futur et, surtout, de cibler celles qui pourraient, être utiles pour nos patients en tenant compte de nos moyens, des spécificités de nos pathologies et du contexte de notre situation épidémiologique. Il sera animé par un personnel choisi pour ses compétences et soucieux des problèmes publics, résolument responsables, capables d'innovation et d'assumer la réalisation de grands projets.
2. La formation des cadres
Dans la nouvelle réforme des études médicales, il est absolument nécessaire qu'elle vise l'excellence et qu'elle puisse dégager une élite capable de résoudre les problèmes de technologie moderne. Tout en assurant la promotion de médecins généralistes-spécialistes capables d'assumer les besoins de santé primaire et de traiter certaines pathologies difficiles, elle doit veiller à favoriser l'émergence de praticiens capables de maîtriser les soins de haut niveau qui nécessitent obligatoirement du matériel de pointe et une haute technologie. La formation classique ne suffit pas. Après l'acquisition d'un diplôme de spécialiste, il faut encore pousser la spécialisation par l'acquisition d'un diplôme universitaire de 2 ou 3 ans pour maîtriser parfaitement certaines techniques. La formation pourra être assurée sur place par des enseignants locaux ou étrangers, ou, quand cela est nécessaire, dans d'autres pays qui excellent dans certaines spécialités. A ce propos, il est utile de rappeler que le système actuel de bourse n'obéit pas toujours au souci de former des cadres de haut niveau. Il faut regretter que parfois des stages à l'étranger sont accordés sur des critères qui ne sont pas toujours objectifs. Ils sont même parfois octroyés pour permettre à certains de faire un voyage d'agrément comme s'ils allaient au Club méditerranéen. Le stage doit revenir à des jeunes, car comme le disait Einstein, la créativité est souvent excellente en début de carrière. Cette formation exige une ouverture aux échanges internationaux. Pour cela, on ne doit pas se limiter à la connaissance de la langue nationale, mais aussi à la maîtrise, en plus, de langues étrangères comme le français, l'anglais, l'espagnol, l'allemand et même le chinois, car ne perdons pas de vue que la Chine s'annonce de plus en plus comme une puissance mondiale. Pour s'ouvrir sur l'extérieur et connaître d'autres technologies, d'autres méthodes de travail, il n'est pas interdit de penser à attirer des personnes qui peuvent venir d'Europe, d'Asie, d'Afrique ou d'ailleurs. Elle devra aussi viser à accueillir des jeunes africains désirant de se former en Algérie et apporter un plus de technologie à leur pays respectif. L'aide à nos frères africains est une vocation de l'Algérie qui ne doit jamais oublier qu'elle a un rôle stratégique important dans notre continent. Il est nécessaire que les étudiants africains reprennent, comme il y a 40 ans, le chemin de nos facultés. Pour disposer de ces enseignants de qualité, il est important de revoir la formation de nos jeunes. La formation des futurs praticiens appelés à utiliser des techniques de pointe doit commencer dès la 1re phase des études médicales. On se doit d'être sélectif et ne plus jeter dans une même piscine des personnes qui savent nager et celles qui ne savent pas. On doit profiter de cette période pour repérer « ces élites » par les méthodes modernes de sélection. En plus des résultats obtenus au cours des examens, on doit connaître le profil des étudiants, par des entretiens psychologiques, le système des interviews qui permet le plus de déceler les bons candidats pour l'assimilation des technologies et surtout leur motivation, leur disponibilité et de leur engagement exclusif à l'université. Cette sélection doit être centrée sur leur intégration dans une équipe homogène et préparée à leur mission. Plus que les concours, les responsables d'une unité fonctionnelle doivent pouvoir donner leur point de vue comme cela est pratiqué aux USA avec les succès que l'on sait. Par ce biais, le collectif d'une équipe sera soucieux de ne recruter que des éléments valables car l'évaluation qui doit intéresser tout le monde sera pénalisante. La rigueur, l'honnêteté, le souci de bien faire et aussi la hantise de l'échec seront les seuls paramètres qui doivent être pris en considération et guider le recrutement de ces jeunes. La même philosophie doit guider pour recruter les docents et les professeurs. Une sensibilisation à la recherche doit lui être dispensée lors de ses études et pour planifier la carrière de ces futurs enseignants dès le début de son cursus. Il doit pouvoir disposer de bourses pour se perfectionner à l'étranger et surtout être rassuré sur son avenir en instaurant un système de salaire décent qui pourra lui permettre d'exercer son métier et donner le meilleur de lui-même sans se soucier des problèmes de logement de transport et d'autres tracas qui peuvent le détourner de son travail. On doit éviter d'appauvrir nos cadres et surtout accorder une rémunération qui les met à l'abri une fois leur mission terminée. L'Etat pour se rassurer et préserver ses enseignants doit exiger des garanties. Ainsi, l'étudiant qui opte pour la carrière universitaire doit s'engager par un contrat qui va le lier à l'hôpital et à l'université au moins pendant une certaine période. Ce contrat pourra inclure tous les aspects juridiques nécessaires de garantie pour éviter l'exode et le départ vers d'autres secteurs.
La technologie répond à tous les besoins
Il y a quelques années, pressant un responsable de se pencher sur les problèmes techniques de l'avenir, il nous a affirmé que rien ne presse et qu'au moment voulu on pourra acquérir le matériel qu'il faut. Nous lui avons répondu que la technologie n'est pas comparable à une boîte de confiture qu'il suffit d'ouvrir pour la consommer. La technologie exige de la patience, pour être connue, maîtrisée et appliquée ; elle peut parfois demander beaucoup de temps Ces outils technologiques sont utilisés en Amérique pour remédier à la mauvaise rentabilité constatée durant l'activité nocturne. Les examens réalisés le jour sont adressés à des spécialistes européens qui, du fait de décalage horaire, vont les traiter et les adresser à leurs collègues américains qui prendront connaissance des résultats le matin à la reprise de leur activité. Grâce à la technologie, on répondra à tous nos besoins. On ne fera plus appel aux étrangers parfois sollicités en catastrophe pour régler des besoins urgents. Le problème du Sud et du Grand Sud sera réglé par les moyens modernes de télécommunication. Qui empêche que les médecins du Sud soient assistés par leurs collègues du Nord qui, à tout moment, peuvent les aider à résoudre un diagnostic ou à préconiser un traitement ? Beaucoup de ces problèmes pourraient se régler par la télémédecine et l'outil informatique qu'il importe de maîtriser parfaitement. Que certains décideurs ne s'inquiètent pas de ces réformes, elles n'entraîneront pas de révolution et ne troubleront pas notre quiétude. Les turbulences viendraient plutôt quand le marasme et l'absence de perspectives s'installent. Ces réformes seront acceptées par toutes les personnes responsables soucieuses de la santé publique et de l'épanouissement de leurs enfants. Les réticences ne viendront pas de notre soit -disant mentalité qui serait réfractaire à tout changement. Elles ne seraient le fait que de personnes attachées à leurs privilèges et obnubilées par le maintien de leurs postes et soucieuses de leur aura. Les Algériens l'ont montré chaque fois qu'on leur explique le bien-fondé des réformes et de leurs bénéfices adhèrent avec enthousiasme aux modifications. Devant cette situation plus que préoccupante, toute tergiversation et toute fausse quiétude seront préjudiciables pour nos patients et nos praticiens. Notre époque ne doit plus se contenter de prévoir, elle doit anticiper pour encourager l'innovation, l'adaptation aux méthodes modernes pour sortir de notre marasme, rassurer nos concitoyens sur leur santé et donner à nos futurs médecins de l'espoir et, pourquoi pas, leur assurer un avenir radieux. Nos jeunes à l'instar de leurs aînés sont capables de tous les sacrifices à condition de leur offrir les moyens pour réaliser leur vocation et les motivations pour servir fidèlement et loyalement leur pays.


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