Les responsables du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière ne manquent pas une occasion de vanter les nouvelles réalisations dans le secteur (construction de nouveaux établissements hospitaliers, réhabilitation d'anciennes structures, installation de nouveaux équipements, acquisition de nouvelles techniques…). Ils louent les mérites de la réforme du système de santé algérien, mis en œuvre en 2003… mais la réalité est tout autre. Réalisations et déficits Elle est souvent décevante pour ne pas dire désastreuse dans de nombreuses situations : difficultés d'accès aux soins, d'accès aux examens de radiologie, de scanner, d'IRM… sans parler des analyses médicales qu'il faudrait faire chez des privés. Quant aux rendez-vous pour les interventions chirurgicales, les examens de chimiothérapie et de radiothérapie pour les personnes atteintes de cancer, il est plus souhaitable de ne pas en parler. Ce problème récurrent ne trouve pas de solution malgré les plaintes, les récriminations, non seulement des malades et de leurs familles, mais aussi et surtout des premiers responsables du CPMC (Centre Pierre et Marie Curie). Ainsi, les responsables du secteur de la santé se targuent de la mise en place de moyens considérables pour permettre aux Algériens de bénéficier des soins nécessaires, là où ils se trouvent à travers le pays, mais cela est bien loin d'être vrai, particulièrement dans les wilayas de l'intérieur où certains établissements de santé continuent d'être des «mouroirs». Entre les déclarations officielles et la situation réelle du secteur de la santé, il y a tout un fossé. Un fossé qui se creuse au fil des jours et des années… Lundi dernier, au service de pédiatrie du CHU de Bab El Oued, une femme fond en larmes. Le médecin résident auquel elle demande d'examiner son bébé, d'à peine quelques mois, refuse de faire la consultation. Et de prescrire un quelconque traitement. Il ne veut pas s'engager. Hésitation, manque de confiance, manque d'expérience… difficile d'en connaître les raisons. Il se contente de dire à la mère éplorée de retourner à l'hôpital où l'enfant a été circoncis, c'est-à-dire au CHU Nefissa Hamoud (Hussein Dey). Le bébé et son frère jumeau ont été tous deux circoncis dans cet hôpital algérois. Tous les deux ont eu une infection. Pas trop méchante mais assez inquiétante pour la prendre au sérieux. «C'est vrai qu'ils ont été circoncis au CHU Nefissa Hamoud mais est-ce une raison pour ne pas les traiter ici dès lors qu'il s'agit de cas urgents ?» s'écrie la maman qui a du mal à contenir sa colère. Sa belle-sœur semble encore plus contrariée : «C'est cela l'Algérie ! Chaque fois que je reviens au pays, je revis ces moments de détresse et de désolation. Quand est-ce que ça va changer ?» interroge-t-elle, plaintive. Difficultés d'accès aux soins La belle-sœur affirme qu'elle vient du Canada où elle réside avec son mari et sa petite fille. Il y a deux ans, raconte-t-elle, elle a été confrontée à une situation similaire : «Ma fille avait deux ans. Elle est restée 24 heures sans uriner. Cela m'a rendue folle d'inquiétude. Je l'ai amenée ici pour une consultation médicale, ils ont refusé de la prendre en charge. Le médecin m'a dit qu'il ne l'examinera pas parce qu'il ne veut pas tout simplement. Z'kara ! J'ai crié, hurlé comme une folle ! Mais rien n'y fit», poursuit-elle. «J'ai dû appeler mon frère juriste pour obliger le médecin à faire son travail… C'est cela la médecine en Algérie ? C'est cela le professionnalisme ?» s'indigne-t-elle. Les deux femmes, désarmées, se résignent à se rendre à l'hôpital d'Hussein Dey. C'est dans cet hôpital, comme nous venons de le dire, que les deux enfants ont été circoncis et tous les deux ont eu une infection. On prend son enfant chez un médecin pour une circoncision et on l'expose aux risques d'infection. Des conséquences qui pourraient être fatales pour les organes reproductifs. Quant aux les erreurs médicales, c'est un autre débat… Pour s'assurer les bons soins d'un médecin ou d'un infirmier, il faut être bien introduit dans le circuit. Avoir des relations au sein du personnel médical, paramédical… «Maarifa» comme on dit. S'il y a un bon contact au niveau de la direction de l'hôpital, ce serait encore mieux. Ça marche comme ça ! Les hôpitaux regorgent de malades et de personnes qui affirment avoir besoin d'une prise en charge urgente… et les moyens, aussi bien humains que matériels, ne sont pas disponibles de façon à répondre à toutes les demandes et de façon efficace. Les choses sont encore plus difficiles durant cette période de vacances. «Le médecin est en congé», entend-on souvent dire dans différents services. Pendant cette période estivale, c'est pratiquement la moitié des médecins qui partent en congé. Ce qui est en soi légitime et normal mais à condition que cette absence soit comblée par une bonne organisation interne dans tous les services. Ce n'est pas toujours le cas, devrions-nous reconnaître. Et ce, même s'il y a une nette baisse de l'activité hospitalière : pas de consultations médicales ni d'interventions chirurgicales sauf pour les cas d'urgence. Alors que les rendez-vous sont pratiquement reportés au mois de septembre. Les responsables des structures hospitalières reconnaissent les manques et les dysfonctionnements mais affirment qu'ils ne peuvent rien faire en l'état actuel des choses. C'est tout le système de santé qui est à revoir. Cela aussi est un autre débat… Moyens du bord Plus de six ans après la mise en marche du train de la réforme, avec tout ce qui suit comme moyens financiers, équipements et matériels médicaux, on constate un manque terrible de moyens, pratiquement dans tous les services, dans un grand nombre d'établissements hospitaliers à travers le pays. La semaine dernière, au service des urgences médicales du CHU Mustapha, à Alger, une chaise, toute simple et vétuste, a fait office de fauteuil roulant pour le déplacement d'un malade. Ce dernier souffrait d'une paralysie à la jambe. Par ailleurs, une femme qui est tombée d'une échelle, chez elle, est évacuée à bord du véhicule d'un proche pour subir un examen radiologique. Il n'y avait pas d'ambulance pour ce déplacement à l'intérieur de l'hôpital. Elle est rarement disponible pour les cas d'urgence. Les malades et leurs familles se débrouillent comme ils peuvent pour accéder aux soins nécessaires. L'ambiance dans ce service est électrique. Hostile. Il ne se passe pas un jour sans que des malades s'accrochent avec des médecins ou des infirmiers. Très souvent, des agents de sécurité interviennent pour calmer les esprits, mais jettent souvent de l'huile sur le feu dans de nombreux cas. Ils s'emportent facilement, profèrent des insultes et vont jusqu'à ordonner à la personne «indésirable» de quitter le service. Drôle de manière de mettre de l'ordre dans un espace où l'on est censé trouver un minimum de confort et de soulagement ! La communication sociale fait défaut. Cela aussi est un autre débat… Partant, beaucoup préfèrent se rendre dans des cabinets privés pour fuir ces problèmes qui alourdissent un quotidien déjà trop chargé. Pourtant, les tarifs des consultations ne sont pas abordables : 800 DA au minimum ! C'est à prendre ou à laisser. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a engagé des discussions pour un remboursement au réel de cet argent dépensé dans les consultations mais le travail traîne en longueur. En attendant, l'Algérien laisse son argent là où il passe… et ne regarde pas derrière lui. La nuit venue, il compte ses petits sous… Les fins du mois sont vraiment trop difficiles ! K. M.