L'Algérie revisite aujourd'hui son histoire. Elle jettera un regard fier vers ces glorieux révolutionnaires – morts ou vivants – qui ont réussi l'épopée de Novembre. Et un autre, chagriné, en direction de l'ancienne puissance coloniale dont les nouveaux maîtres s'entêtent, comme leurs devanciers, à se voiler la face pour ne pas reconnaître les méfaits de la France coloniale. Le temps de la commémoration du double anniversaire de la fameuse attaque du Nord-Constantinois le 20 août 1955 et du congrès de la Soummam qui avait donné une assise organisationnelle à la révolution, l'Algérie s'arrêtera aujourd'hui encore, jusqu'à ce que justice soit faite, sur la longue nuit coloniale qui aura laissé des milliers de cadavres, de veuves, d'orphelins et de dévastation, pour dire à toute l'humanité toute l'horreur vécue par le peuple algérien 132 années durant. Cette date symbole est aussi une occasion d'instruire et de sensibiliser les nouvelles générations afin qu'elles n'oublient pas l'indicible douleur vécue par nos aïeux pour que naisse enfin la République algérienne indépendante. C'est donc un devoir de mémoire interne que de rappeler ces pages glorieuses de la lutte – politique et militaire – de libération nationale écrites par de vaillants maquisards, à l'image de Abane Ramdane, Larbi Ben M'hidi, Mohamed Boudiaf, Benyoucef Benkhedda, Mohamed Khider, Hocine Aït Ahmed, Krim Belkacem, Ourida Meddad et Djamila Bouhired. C'est aussi une belle opportunité de rafraîchir la mémoire à quelques nostalgiques de l'Algérie française qui veulent transformer l'entreprise génocidaire à laquelle s'était livrée l'armée coloniale en mission civilisatrice par une alchimie dont seule la droite française connaît le secret. Mais tel un fantôme, les exactions de la France en Algérie hanteront les esprits des responsables de ce pays aussi longtemps qu'ils n'auront pas libéré leur conscience. 45 ans après l'indépendance et 51 ans après le congrès de la Soummam, la douleur reste vive, très vive, pour que la France se permette de compter sur l'usure du temps pour apaiser les cœurs et se dédouaner de son devoir de mémoire. En l'occurrence, la politique spectacle du président Sarkozy, qui tente de se soustraire en tant chef d'Etat à ce devoir – dont seuls les grands hommes en sont capables au demeurant – en invoquant sa non-implication personnelle dans la sale guerre, n'est rien d'autre qu'une fuite en avant. Fallait-il à ce point privatiser l'héritage historique de la France pour décider aussi péremptoirement de faire table rase du passé ? Nicolas Sarkozy a malheureusement enfilé l'uniforme de Napoléon chez nous à Zeralda pour nous asséner ses « vérités et ses convictions ». « Je ne suis pas venu m'excuser (…), je ne souhaite pas être blessé par des amis. » Sarkozy aime l'Algérie, mais d'une certaine manière. Il l'aime à partir de 1962… Le reste, tout le reste, ne serait que de l'histoire dont « on retrouve des blessures de part et d'autre » sic. Le président de la France s'en lave donc les mains. Un tel discours fait assurément mal, surtout quand il est prononcé ici même en Algérie. Mais tel un goulot, la France officielle traînera cette histoire-là et son lourd passif dans ses rapports futurs avec l'Algérie. Le 20 août, le 5 juillet, le 1er novembre, le 17 octobre et le 8 mai seront ces balises qui illumineront la voie des nouvelles générations dont se réclame justement Nicolas Sarkozy. Il a du reste pu vérifier la permanence de ce sentiment d'injustice des populations colonisées lors de son passage mouvementé au Sénégal, il y a quelques semaines. Ce jour-là, Sarkozy a concédé que la colonisation fut une « faute ». C'est tout de même un petit pas vers le long chemin du pardon.