La France officielle s'enfonce de jour en jour dans le dénigrement de l'idée de repentance vis-à-vis des crimes coloniaux. L'extrême droite et toutes les couches nostalgistes relèvent la tête, dopées par le discours de Nicolas Sarkozy que la loi du 23 février 2005 a fortement inspiré bien que le texte ait été gelé sur initiative de Jacques Chirac, suite à l'émotion suscitée dans les anciennes colonies, notamment en Algérie, et à la mobilisation des historiens français. Le nouveau président a décidé de revenir à la case départ, de gommer tout l'argumentaire scientifique des spécialistes des questions coloniales et de faire fi de la sensibilité des populations victimes des méfaits des expéditions coloniales. A l'évidence, sur cette question, Nicolas Sarkozy a une conviction profonde, bien inscrite dans la durée et pas du tout feinte. Elle ne procède pas d'un calcul politique consistant à rallier à lui les rêveurs des grandes conquêtes d'antan même si ce calcul n'est pas tout à fait absent. A ses yeux, les armées coloniales ont civilisé des « peuplades arriérées » et apporté « progrès et humanité » : la France civilisatrice a laissé son empreinte. Gloire donc à tous les généraux des expéditions et aux soldats et missionnaires, large reconnaissance à tous les supplétifs et aux groupes tueurs de type OAS. Et haro sur les « dénigreurs » et ceux qui se hasardent à emprunter le chemin des excuses et du pardon. Nicolas Sarkozy s'est attelé à propager sa vérité autour de lui, ouvrant les bras aux admirateurs et nostalgiques de la colonisation, n'hésitant pas à prendre son bâton de pèlerin pour l'étranger. En Algérie le 11 juillet dernier, il a lâché qu'il n'était pas là (à Alger) pour s'excuser. Au Sénégal, il a reconnu que « quelques erreurs » ont été commises par le passé. Ainsi donc, tout le mal engendré par l'esclavagisme relève de l'insignifiant. Le président français rame à contre-courant du mouvement d'opinion qui se développe dans les anciennes colonies du monde occidental pour que l'esclavagisme soit considéré comme crime contre l'humanité. Là aussi est posée l'exigence de repentance pour les millions d'Africains livrés à la traite négrière dans des conditions de souffrance inimaginables. Alors qu'elle commençait à vaincre ses vieux démons, la France se trouve brutalement rattrapée par son passé odieux. Elle est piégée par la glorification insensée de la colonisation portée par un président de la République dont le rôle essentiel pourtant est de réparer les préjudices et de se plier à la vérité historique. Pourquoi la France refuserait-elle aux anciennes colonies ce qu'elle a concédé, à juste titre, aux juifs de la Shoah ? Et pourquoi un tribunal de Nuremberg pour les seuls crimes nazis ? Mais la repentance est inscrite dans le sens de l'histoire. Elle se fera avec ou sans Sarkozy.