Position n Des historiens appellent la France, à défaut d'acte de repentance à «reconnaître officiellement» ses crimes coloniaux. Cette reconnaissance est la condition d'un véritable apaisement, aussi bien pour la société française, qui ne cesse de se diversifier, que, comme l'ont montré les réactions critiques de la presse africaine aux propos tenus le 26 juillet à Dakar par Nicolas Sarkozy, pour les relations futures entre la France et les pays qui ont été autrefois ses colonies, lit-on dans une tribune conjointement rédigée par les trois historiens français Catherine Coquery-Vidrovitch ,Gilles Manceron et Benjamin Stora. Le «refus de la repentance» pour les crimes coloniaux «a pour objectif d'entraver le travail des historiens», estiment-ils. Les historiens ont noté avoir «vu apparaître, lors de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, le thème du refus de la repentance» qui renvoie principalement à la question de l'histoire coloniale. «Pour rallier la fraction de l'électorat la plus nostalgique de la période coloniale, souvent proche de l'extrême droite, le futur président de la République a laissé poindre une relance de l'éloge de la "colonisation positive" que voulait imposer, avec les résultats que l'on sait, l'article 4 de la loi du 23 février 2005», ont-ils commenté dans la tribune publiée lundi dans le journal Libération. Pour eux, les questions du passé colonial sont ainsi sans cesse associées à celles de l'immigration et de la «haine de soi». Ils en ont déduit qu'ainsi «la nation (française) devient un bloc insécable à défendre globalement au lieu d'être une nation dotée d'une histoire, où certains ont joué un rôle dont on peut être légitimement fier, et où, comme dans toute autre nation, d'autres ont pu apparaître plus discutables». Les discours du candidat Sarkozy prononcés dans le sud de la France, durant la campagne électorale, ont développé, selon eux, «une réhabilitation de la colonisation d'autant plus subtile que simultanément démentie» puisqu'elle fut à la fois présentée comme «un rêve de conquête et un rêve de civilisation». Nicolas Sarkozy a même annoncé, le 31 mars, une décision qui consacre le refus de la repentance : la création rapide d'une «Fondation pour la mémoire sur la guerre d'Algérie». Cela signifie, selon les trois historiens , le retour à la mise en œuvre d'une mesure qui faisait partie de la loi du 23 février 2005 (article 3). La mise en œuvre d'une telle fondation n'a rien à voir avec l'histoire car «le rôle des historiens est de prendre en compte toutes les mémoires et les mettre à l'épreuve de la recherche pour travailler patiemment à l'écriture d'une histoire qui est, par nature, transnationale», lit-on dans le même document. A l'opposé du travail historique, le discours de l'anti-repentance «entretient les guerres de mémoires et répond à des objectifs politiques», notamment pour consolider les rangs de la droite, ont-ils commenté.