L'Algérie maintient son exigence, à savoir la repentance de la France pour les crimes et les exactions commis entre 1830 et 1962. Les relations algéro-françaises sont-elles appelées à connaître un essor sur la base d'une compréhension mutuelle pour assumer un passé chargé de tragiques et douloureux événements, conséquence du fait colonial? Ou alors, y a-t-il lieu de continuer à gérer les relations entre les deux nations au gré des accès de tensions en rapport avec les «séquelles du passé» et des intérêts communs dictés par le voisinage et les questions de géopolitique qui traversent les relations internationales? Depuis quatre décennies déjà, la passion n'a pas cessé de marquer les rapports entre les classes politiques des deux rives. Le traité d'amitié entre les deux pays devant être signé à la fin de l'année 2005 par les deux chefs d'Etat, algérien et français, n'a pas vu le jour et risque, avec le départ du devant de la scène politique française de l'un de ses artisans, le président français Jacques Chirac, de ne plus être d'actualité. D'autant plus que le nouveau maître de l'Elysée, Nicolas Sarkozy, a souvent affiché des réserves à ce sujet, alors que du côté algérien, on a, de tout temps, clamé qu'aucune amitié ne peut être scellée entre les deux pays sans que ne soit fait allusion au passé «traumatisant». Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s'est, encore une fois, exprimé hier à l'occasion de la commémoration des tragiques événements du 8 Mai 1945 pour plaider en faveur d'«un climat de confiance» entre l'Algérie et la France. Mettant un bémol à son discours dur et enflammé des dernières années, particulièrement durant la période qui a suivi l'adoption par le Parlement français de la loi du 23 février 2005 qui positive le fait colonial, le président Abdelaziz Bouteflika n'a pas réitéré ses demandes de «repentance» et d'«excuses» de la France, qu'il avait évoquées à l'occasion du précédent anniversaire de ces massacres qui ont fait 45.000 morts selon les historiens algériens. Il a, toutefois, déclaré que «nos relations avec notre ancien colonisateur restent marquées par les séquelles de cette domination». Ce qui signifie que l'Algérie n'a pas renoncé à son exigence, à savoir la repentance de la France pour les crimes et les exactions commis entre 1830 et 1962 et ne renoncera pas par devoir de mémoire à l'égard des martyrs et des victimes qui souffrent encore des blessures et des souvenirs indélébiles qui ont marqué toute une génération d'Algériens fiers. Même si le nouveau président de la Ve République française se refuse à admettre toute «idée de repentance» comme il n'a pas omis de le signaler au mois de novembre dernier, lors de sa visite officielle à Alger en tant que ministre de l'Intérieur. Nicolas Sarkozy avait confirmé ses intentions, lors de la campagne électorale et juste après son élection. Il s'est même rapproché par son discours favorable aux harkis et à l'organisation terroriste OAS des thèses du colonialisme comme faits de civilisation. Il ne lui manquait alors que d'exiger des «excuses» de la part des Algériens d'avoir chassé ce colonialisme et libéré Alger pour faire plaisir aux «pieds-noirs» et aux nostalgiques de l'«Algérie française». Faut-il, de ce fait, trouver des circonstances atténuantes à celui que la presse française qualifie de «petit César» et mettre ces dérapages sur le compte des écarts de langage du discours électoraliste et de propagande, mobilisateur de certaines catégories de l'électorat français dont l'extrême droite? Ou alors,sont-ils l'expression de convictions politiques arrêtées de celui qui veut changer la France en profondeur en glorifiant sa puissance coloniale et son passé sanglant? A noter que dans son dernier message, le président Abdelaziz Bouteflika n'a pas omis de qualifier les massacres du 8 Mai 45 de «l'un des plus importants crimes d'Etat de l'époque contemporaine» par «son ampleur, sa durée et la diversité des opérations combinées de l'armée, de la police et des milices coloniales». La nouvelle France que tente de matérialiser l'ambitieux Nicolas Sarkozy avec son slogan porté sur la rupture et le changement, ne peut se construire avec la négation d'une vérité historique et d'un passé chargé de souffrances affligées à des peuples sans défense. Il y va du partenariat économique et culturel entre l'Algérie et la France et du développement de tout le pourtour méditerranéen. La realpolitik ne peut faire l'économie des retombées de 132 années d'histoire commune forcée.