Ce sont les petites injustices qui font les grandes émeutes. On ne semble pas l'avoir bien assimilé du côté des autorités. Une famille dans la rue depuis deux mois, cela n'émeut pas grand monde dans les administrations et les services chargés de venir au secours des personnes en détresse. Un homme est en train de se battre seul, ou presque, pour trouver un toit à sa femme, enceinte, et à ses cinq enfants, en bas âge. Ils ont atterri en juin dernier devant le siège de l'APC de Tizi Rached après avoir été expulsés d'un logement « squatté ». Dans son dénuement le plus total, l'infortuné père de famille, Mami Rachid, garde un classeur où il a consigné toutes les lettres, demandes, courrier de rappel, pétitions, retraçant l'ensemble des démarches engagées depuis sa mise hors du circuit social. Il s'accroche aux voies réglementaires alors qu'aucune autorité ne se décide à appliquer ce fameux droit au logement inscrit dans la première loi du pays. Cette famille, qui passe ses nuits contre la façade de l'APC, est la preuve vivante que les systèmes de solidarité, les programmes destinés à l'action sociale ne sont que discours officiels et artifices faits pour justifier des dépenses publiques et contenter les instances hiérarchiques. Les statistiques creuses, quasi virtuelles, suffisent pour provoquer la satisfaction gouvernementale et présidentielle. Le logement est à ce point en voie d'extinction pour condamner à la rue une famille dont la mère est quasi parturiente et la fille la plus jeune n'a que 14 mois. L'épisode de Rachid Mami est une série de désillusions, de vexations, de mises en garde. A l'APW, il est vertement tancé pour s'être adressé à la presse, à laquelle il a déclaré n'avoir pas été reçu par le président de l'APW, un jour de visite, hors session. Il finira par être reçu, mais les effets n'ont pas été probants. A la « médiation du wali », l'intérimaire usera de mots peu amènes au sujet d'une lettre de soutien signée par un député de la région. La correspondance du parlementaire du RND est pourtant l'une des rares actions positives enregistrées dans ce dossier. L'APC de Tizi Rached, quant à elle, a proposé à la famille Mami une « roulotte » installée loin du chef-lieu. Trop loin... « C'est dans l'oued, à Tala Toulmouts, près d'un bidonville et d'une sablière. Il n'y a ni eau, ni électricité », dit le père de famille. Une pétition de citoyens réclame que l'APC affecte un logement de son patrimoine immobilier.