Cette belle demeure affectée depuis cinq mois au ministère de la Culture n'est pas encore, faut-il le souligner, restaurée, contrairement aux édifices que sont les palais Mustapha Pacha et Dar Essouf. Jusqu'à présent, elle n'a fait l'objet que de travaux d'aménagement dont le coût s'élève à 8 millions de dinars, selon Saïd Guellal, coordinateur de la cellule fonctionnelle de réhabilitation, de sauvegarde et de la gestion urbaine de La Casbah. Cette opération, qui se résume dans le confortement, les sanitaires, la canalisation et l'étanchéité, a duré quelque quatre années. Dire que la restauration de Dar El Hamra n'a pas cessé de donner du fil à retordre à nos spécialistes en restauration depuis l'Indépendance, tant son état des lieux était sous de nombreux aspects délicats, selon le compte rendu de l'inspection dressé en mars 1965. Quelque 14 archéologues élisent leurs quartiers dans cette demeure qui a subi l'outrage de l'homme, aussi bien pendant l'ère coloniale au cours de laquelle des modifications ont été apportées gauchement que pendant la période post-indépendance où de nombreuses horreurs ont été signalées, dont « les vices d'exécution relevés lors des travaux de réhabilitation », il y a 25 ans, lit-on dans le rapport de visite du 26 mars 1983, établi par l'architecte et expert associé Unesco, Bernard Declève. Ce dernier recommandait, alors, et de manière rigoureuse, la programmation et le suivi (…) d'aménagement pour sauver le monument. Aussi, n'omet-il pas de mettre en avant les « désordres graves constatés dans ce monument historique classé », tels le revêtement mal réalisé, l'utilisation de matériaux inadéquats, l'absence d'étanchéité, les éléments architectoniques inappropriés, etc. Dans la foulée, il ne serait pas malvenu de rappeler, si besoin est, que le maître d'œuvre ayant intervenu sur cet édifice « n'avait manifestement ni la sensibilité ni l'expression désirées pour maîtriser la réhabilitation d'un tel patrimoine matériel », relève l'archéologue Kamel Meddad qui, après une formation de diplôme de postgraduation spécialisé, rejoint le nouveau Centre national de recherches archéologiques. Les exemples sont légion en matière de réhabilitation et « il n'y a pas lieu de se voiler la face », abonde dans le même sens sa consœur, l'archéologue, Mlle Houria Hamza Kheira, qui cite en exemple l'envahissant béton armé sur les colonnes de la porte de Caracalla et le mausolée du roi numide Massinissa, dont les travaux à la hussarde ont donné un résultat qui, le moins qu'on puisse dire, suscitent le haut-le-corps. D'ailleurs, le conseil scientifique du nouveau centre de recherches doit être mis en place prochainement, notent les archéologues qui souhaitent, par ailleurs, être associés à toutes les opérations de restauration. « Notre mission n'est pas seulement confinée dans les interventions de fouilles, mais il s'agit de faire appel à nous lors des opérations de réhabilitation qui nécessite la lecture des couches stratigraphiques », explique un autre spécialiste en archéologie. Pour l'histoire, cette demeure, qu'on emprunte par le passage Mohamed Bouras, fut construite par le dey Hussein au début du XIXe siècle qui en fit sa propriété privée durant le temps où celui-ci était hûdjat Al Khayl (ministre des Haras et des Domaines) du dey Ben Ahmed. Après la capitulation du dey Hussein, l'édifice lui a servi de refuge avec sa famille et son protocole, et ce, jusqu'à son départ définitif vers Livourne (Italie). A l'époque coloniale, ce somptueux palais royal connut deux mutilations pour agrandir la route. D'une élégante architecture, l'édifice se dresse sur trois niveaux pourvus d'un sous-sol constitué de geôles destinées aux esclaves et d'une galerie souterraine qui menait vers la Citadelle (Dar Es Soultane), et de nombreuses pièces dont les plafonds sont remarquablement ouvragés. Ce joyau architectural présente un intérieur bordé de corridors formant le grand patio (ouast eddar), qu'embellissent des colonnes de marbre semi-torsadées, parées de balustrades au niveau de chaque étage et des décors enjolivant les murs revêtus de carreaux de Delft. Les chambres se caractérisent par des voussures et des caissons sculptés enluminés de dorure.