L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) est en crise et ne s'en cache pas. C'est sur son site internet que cette organisation phare du cercle des Nations unies a rendu public un rapport très critique d'un comité d'experts indépendants qu'elle a chargé elle-même de faire une évaluation de son fonctionnement. Le constat général est sans complaisance : la FAO s'enfonce depuis deux décennies dans la crise et doit urgemment se réformer pour ne pas disparaître, estiment les experts. Cet organisme international, dont les moindres aspects ont été passés au peigne fin par ce panel d'experts, bat de l'aile. Il a vu son influence, ses budgets et ses finances se réduire de près de 20%. La FAO se montre incapable de définir clairement ses priorités, d'adapter ses programmes et de réformer ses modes de fonctionnement, souligne le rapport de 395 pages. La FAO, qui vient de fêter ses soixante ans, « est au bord du gouffre », avertit-on. « L'organisation doit se réinventer si elle ne veut pas perdre toute pertinence. » L'organisation, censée rassembler les Etats membres autour d'actions efficaces et coordonnées pour le développement de l'agriculture et l'instauration de la sécurité alimentaire à travers le monde, a échoué à mettre en place un environnement favorable pour la réussite de ses objectifs. Pis, les experts vont jusqu'à lui reprocher de créer les incertitudes qu'ils imputent à l'absence de confiance des Etats membres entre eux d'une part et entre les Etats membres et la direction de l'organisation d'autre part. Le rapport indépendant assène le coup de grâce à l'organisation onusienne en affirmant que « la confiance en la FAO est plus faible que dans n'importe quelle autre organisation des Nations unies ». Il faut dire que ce n'est pas la première fois que la FAO est critiquée. Une autre évaluation externe avait mis à nu, en avril dernier, l'échec de cette organisation dans les défis fondamentaux auxquels elle est confrontée. « L'extrême pauvreté demeure la réalité quotidienne de plus d'un milliard de personnes. La faim et la malnutrition touchent quelque 852 millions de personnes, et plus d'un quart des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition dans les pays en développement », avait-on mentionné. La FAO a été par ailleurs incapable, il y a quelques années, de collecter les fonds nécessaires pour la lutte contre le criquet qui menaçait l'agriculture de plusieurs pays africains. D'autres critiques portent sur « le conservatisme » de la FAO, « sa lenteur à s'adapter », sa « bureaucratie excessive », « frileuse » et « tatillonne », sa direction « faible et en échec » et ses salariés « découragés ». Les auteurs du nouveau rapport tiennent cependant à noter que la crise actuelle n'entame en rien l'utilité d'une entité telle que la FAO qui joue un rôle unique d'assistance notamment technique auprès des Etats membres. Ils estiment qu'elle a besoin d'un toilettage en profondeur. La FAO doit « réorienter ses priorités » et faire « de l'emploi et de l'alimentation des générations futures » son objectif principal au lieu et place du seul développement quantitatif de l'agriculture et du monde rural, recommande le rapport. Les experts ont formulé 110 recommandations qui devraient permettre à la FAO de faire sa mue pour se repositionner en tant qu'autorité mondiale d'assistance et de conseil sur les questions liées à l'agriculture et à l'alimentation. Basée à Rome, l'organisation regroupe 188 Etats membres, dispose d'un budget annuel de 370 millions de dollars et emploie 3072 personnes.