Des protestations contre une bavure policière présumée ont dégénéré en émeute dans la nuit de dimanche à lundi dans un quartier défavorisé de Montréal, une première qui fait craindre une répétition de violences comme les émeutes de la banlieue parisienne. Carcasses calcinées de huit voitures, vitrines de commerce saccagées, débris de métal jonchant le sol, certaines rues du quartier "Montréal-Nord", où vit entre autres une importante communauté haïtienne, avaient des allures de champ de bataille lundi. Trois policiers ont été blessés, dont un par balle à la jambe, ainsi qu'un photographe du journal La Presse lors de cette émeute au lendemain du décès dans le même secteur d'un jeune homme, tué par la police. Deux policiers de Montréal avaient abordé samedi un groupe de jeunes, un incident a priori banal qui s'est terminé tragiquement. Un policier a tiré des coups de feu, tuant Freddy Villanueva, 18 ans, et blessant deux autres de ses amis. Une enquête a été lancée par la Sûreté du Québec pour faire la lumière sur la mort de ce jeune homme, la version des policiers montréalais, qui affirment avoir été agressés par un groupe de jeunes gens, divergeant de celle des proches de la victime."Je ne tolérerai pas que des policiers, des pompiers et des ambulanciers soient victimes d'atteintes physiques", a déclaré le maire de Montréal, Gérald Tremblay, soulignant en même temps la nécessité d'une enquête "transparente et complète" sur les circonstances de la mort du jeune homme. Une marche pacifique de protestation avait eu lieu dans la journée de dimanche. Mais quelques heures après la procession, des violences éclataient dans le quartier. La police de Montréal a procédé à six arrestations, parlant de violence "désorganisée" attribuée notamment à des casseurs dont certains venaient de l'extérieur de Montréal.Le secteur Montréal-Nord est le théâtre d'affrontements entre gangs de rue et certaines personnes se disent victimes de profilage racial de la part de la police dans ce secteur défavorisé de la métropole québécoise. "Ils abusent les policiers. Je me suis fait arrêter à tous les coins de rue... Ici on est une famille, on réagit", lance John, casquette vissée sur son bandana, à propos d'un secteur qu'il nomme lui-même "Montréal-Noir". "Ça fait longtemps que ça bout dans le quartier", souligne Réjeanne, femme aux cheveux gris qui dit vivre dans ce secteur depuis 26 ans et craint la poursuite des violences au cours des prochains jours.Des violences avaient éclaté au printemps dans le centre-ville de Montréal après la victoire des Canadiens de Montréal au premier tour des phases finales du championnat nord-américain de hockey sur glace (LNH). Mais pour le chef de la police de Montréal Yvan Delorme, l'émeute de dimanche soir constitue une première. "Nous n'avons rien vu de semblable à Montréal parce que (la violence) a ciblé une problématique bien particulière, contrairement aux séries éliminatoires (de hockey)", a-t-il dit lundi. La police craint la répétition de ces violences au cours des prochaines nuits et tente d'éviter "de mettre de l'huile sur le feu", dans un quartier sensible, a-t-il souligné. "C'était une rébellion pas seulement contre le service de police, mais contre le système", a affirmé de son côté Pierson Vaval, un travailleur communautaire au cours d'une conférence de presse, aux côtés de la police. "Il y a deux, trois ans, on avait parlé des émeutes en France, et on se disait: +est-ce qu'on est à l'abri de ça?+. On voit aujourd'hui que Montréal n'est pas à l'abri", a-t-il dit. En 2005, la mort de deux adolescents fuyant la police avait mis le feu aux poudres dans la banlieue parisienne provoquant trois semaines d'émeutes.