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Les populations en danger
CADRE DE VIE À MILA
Publié dans El Watan le 14 - 06 - 2005

On pourra penser ce qu'on voudra de la virulence de l'argumentaire développé, cela ne changera pas grand-chose à la tragédie asphyxiante des ordures, car l'immense laideur de nos contrées et la dégradation consommée de notre environnement sont si saisissantes qu'en occulter l'ampleur serait coupable, du moins complice.
En ce sens, le cadre de vie dans les grands centres urbains de la wilaya de Mila ne déroge point à la règle. Donc, qu'on le veuille ou non, nos villes et villages sont sales, affreusement sales, à Ferdjioua et à Mila, comme à Chelghoum Laïd et à Grarem. La dramatique déliquescence de l'hygiène en milieu urbain qu'on a tendance à banaliser n'est guère une fatalité que le Bon Dieu nous impose, mais la conséquence inexorable d'une litanie d'erreurs, de méprises et de turpitudes dont les citoyens, les élus, l'école, le mouvement associatif et bien sûr l'Etat sont les véritables tenants. Flash-back. Devant la décadence avancée de l'environnement en milieu urbain notamment, il est de notre point de vue salutaire que l'Etat réagisse vigoureusement à travers la mise en œuvre de mécanismes performants de prévention et de lutte contre la prolifération effrénée des immondices ménagères, quitte à mettre en branle une réglementation répressive. La problématique a atteint en tous les cas des pics alarmants qui devraient interpeller les autorités concernées sur la situation dantesque de l'environnement et les conséquences incalculables qui peuvent découler de la propagation des MTH et autres épidémies avec l'arrivée des grandes chaleurs. Mais on ne semble pas prendre en considération la mesure des risques et des dangers que lorsque des drames surviennent pouvant faire d'innocentes victimes. C'est à peine croyable s'il n'y a pas eu d'épidémies, il y a quelques années, lorsque, à la faveur de la sécheresse sévissant, plusieurs paysans et exploitants agricoles se sont rendus coupables d'agissements scandaleux en ne trouvant pas mieux que d'irriguer leurs champs de légume, de melon et de pastèque avec des eaux usées. Même en ayant eu vent de cette affaire, qui sous d'autres cieux aurait prêté à conséquences, les responsables et les services concernés n'en avaient cure. L'insalubrité publique et le maelström d'incertitudes inhérentes au manque d'hygiène qui gangrènent nos cités n'ont pas suffi aux gouvernants pour accomplir le nécessaire diagnostic de la situation et préconiser les thérapies salvatrices. Le commun des mortels aura tout vu et entendu : du phénomène de l'irrigation à partir de points d'eau suspects aux cités et grands ensembles réceptionnés sans collecteurs d'eaux usées (cas de la cité des 100 Logements R+1 de Chelghoum Laïd), en passant par les sachets d'ordures jetés des étages supérieurs des immeubles et le foisonnement des monticules de déchets ménagers au pied des bâtiments, sans oublier l'entassement des poubelles dans les cages d'escalier, les égouts éclatés à ciel ouvert et les émanations pestilentielles que dégagent les caves inondées. Décidément, les cités-dortoirs et les quartiers populeux dans les quatre coins de la wilaya de Mila sont terriblement repoussants. Dépotoirs et avalanches de sachets à Chelghoum Laïd. En plus de la sauvage pollution induite par le transit infernal de près de 20 000 véhicules/jour, sur le tronçon de la RN 5 qui traverse la ville de Chelghoum Laïd est défigurée par le syndrome des rejets domestiques qui traînent un peu partout. Des sachets d'ordures souvent éventrés et divers autres déchets trônent sur les trottoirs et la voie publique où, comble de l'ironie, ils sont dispersés juste à côté des collecteurs que les services communaux ont installé dans l'ensemble des quartiers. La commune de Chelghoum Laïd censée être la vitrine de la wilaya est hélas tombée de son piédestal et croule à présent sous les ordures. La multiplication incontrôlée des saletés n'est pas réductible à l'incivisme affligeant des citoyens ou à la ruralité envahissante qui dénature la ville, surtout dans la périphérie, ou encore au dérèglement des mœurs citadines. Donc, pour aussi vraie que soit l'implication directe des habitants dans la dégradations systématique de leur environnement, il n'en est pas moins avéré que les responsables à la charge du dossier de la salubrité publique sont partie prenante dans la déchéance du milieu urbain. Est édifiante à ce titre la problématique de la décharge incontrôlée de Chelghoum Laïd que les illuminés responsables d'il y a deux décennies ont implantée à moins d'un kilomètre de la ville et de surcroît sur des exploitations agricoles collectives (EAC).
Souks, marchés : grands « producteurs » d'immondices
Depuis lors, cette dernière déverse chaque jour que Dieu fait ses relents fétides et ses denses écrans de fumée nauséeux sur la population du chef-lieu ainsi que l'annexe administrative de Boukarana qui abrite 16 000 âmes et quelques dechras avoisinantes. Pour rappel, le lancinant dossier de la décharge communale de Chelghoum Laïd, qui reçoit en moyenne 30 t de rebuts domestiques par jour, a fait l'objet en 2000 d'une étude de réhabilitation et d'impact sur l'environnement préalable à l'exploitation de la décharge publique. L'étude confiée à l'EDIL (un bureau d'études spécialisé) avec la collaboration de la direction de l'environnement, moyennant un cachet de 75 millions de centimes, ne verra jamais le jour, a-t-on appris d'une source proche de l'APC. Le marché de gros des fruits et légumes de Chelghoum Laïd, les marchés hebdomadaires, les souks quotidiens improvisés sur la rue commerçante Abderrahmène Khelifi, comme un peu partout en ville, est accessoirement la plaque tournante des grossistes domiciliés à la cité des frères Borni (Chelghoum Laïd) et... le célèbre marché hebdomadaire de Tadjenanet passent pour être de grands producteurs de déchets et avaries agricoles ainsi qu'une immensité de sachets en plastique et reliquats de papier et cartons d'emballage. Une fois la partition commerciale achevée, ces espaces de négoce ressemblent à un véritable champ de bataille. Les rejets agricoles abandonnés sont piétinés et écrabouillés par le passage des véhicules et une flottille impressionnante de sachets jonchent à perte de vue ces espaces publics et sont laissés au gré des vents. Les services d'hygiène et les escouades d'éboueurs se démènent comme des galériens dans le rituel quotidien de l'assainissement et du déblaiement, cela revient toujours. Le sachet noir hideux finit souvent par avoir le dernier mot. Vous le chassez, il rapplique et vous saisit dans les jambes et vous colle, comme si cet accessoire lugubre s'identifie parfaitement aux humains que nous sommes. Mais la grande et odieuse verrue qui enlaidit la ville est sans conteste le marché de gros des fruits et légumes et sa périphérie qui croulent sous des dunes d'ordures, de terre battue et d'impuretés. Par strates superposées, des couches de dépôts orduriers se sont sédimentées et ont atteint des niveaux ahurissants, surtout à l'intérieur de l'enceinte face à l'insouciance quasi totale des services concernés. L'ampleur des précipitations et l'obstruction des avaloirs et regards ont transformé cet espace de grand négoce en une gigantesque patinoire boueuse et mis à nu les carences d'un réseau d'évacuation des eaux pluviales déjà défectueux. Il aura fallu le ras-le-bol de dizaines de mandataires et commerçants qui s'est traduit par le transfert progressif de leurs activités commerciales à d'autres marchés régionaux (Constantine et Sétif) et que se décline nettement la menace du wali d'en découdre sérieusement avec les responsables locaux pour que se précisent enfin les contours réels d'une dynamique de réhabilitation et de réorganisation du marché de gros, dont la phase d'assainissement est en voie d'achèvement. Par ailleurs, le site mitoyen au marché de gros, le long de la RN 5, n'est pas beau à voir. Une devanture exécrable qui offre aux usagers de cet important axe routier toutes les facettes visibles d'un environnement qui étouffe sous le poids d'incommensurables quantités de saleté. Ordures végétales, ramassis de boue et de gravats, sachets déchiquetés et restes de chantier s'entremêlent dans un paysage de profonde désolation qui renvoie à un autre âge.
Décharges communales non contrôlées
Ainsi donc, les actions sporadiques de volontariat déclenchées çà et là, dans une ville prise dans la spirale de ses propres immondices, ne peuvent paraître à cet égard qu'un cautère sur une jambe de bois. Cela est d'autant plus vrai que le phénomène du foisonnement inquiétant des marchands ambulants des fruits et légumes demeure omniprésent et génère quotidiennement des montagnes de rebuts et d'avaries agricoles nonchalamment abandonnés sur les trottoirs et la chaussée. Si l'argument avancé ne convainc que chichement, nous pouvons toujours risquer cette fâcheuse manie propre aux services concernés des différentes communes qui affichent une mollesse exacerbante et traînent à intervenir sur le déblaiement des poubelles ou la réfection des réseaux d'eaux usées et des égouts éclatés à ciel ouvert, puissants vecteurs de maladies. Cette avilissante précarité dont s'accommodent si bien les responsables et les citoyens peut paraître moins choquante et relativement moins nuisible à côté des flaques nauséabondes d'eaux verdâtres qui inondent les caves des immeubles. Et à Chelghoum Laïd, ces cas sont légion. L'épineuse problématique des ordures déversées anarchiquement ne se résolvera point tant que les gestionnaires de la chose publique persistent dans leur propension irréductible à reluquer avec des œillères l'implantation tous azimuts des décharges incontrôlées à quelques encablures des agglomérations et grands centres urbains, sans la moindre étude d'impact sur l'environnement. A l'instar de la commune de Chelghoum Laïd, Mila, Grarem Gouga et, à un degré moindre, Ferdjioua vivent, le moins que l'on puisse dire, au cœur même de la pollution. Mis à part la décharge publique de Grarem Gouga, située à 7 km à l'est de la ville, soit à une bonne distance de la population, les décharges communales des trois autres grandes localités de la wilaya (Mila, Chelghoum Laïd et Ferdjioua) sont aux abords immédiats des cités. Les émanations pestilentielles que dégagent ces sites constituent un problème crucial question santé et accentuent la précarité des habitants de toutes ces régions. Avec la gravissime tendance d'incinération des ordures ménagères, tant au niveau de ces mêmes décharges publiques qu'au pied des immeubles, dans les cités et aux frontons des écoles, nous avons déjà une photographie exacte de ce que sont réellement les villes et villages de la wilaya de Mila. Ainsi donc, clamer la grandeur des dirigeants là où il n'y a que du clinquant, c'est prêter à la mascarade à grande échelle de l'environnement des calculs aussi bas que complaisants. Quitte aussi à passer pour traquer obsessionnellement les moindres dérives des gouvernants, il serait tout aussi coupable et complice d'occulter les amères et scandaleuses vérités de la pollution envahissante qui s'installe un peu partout.


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