Bientôt le lieu dont s'enorgueillissent les Gyotvillois aura disparu. Rien de ce qui faisait la réputation de cet endroit en retrait de la ville de Aïn Benian, auquel il n'est lié que par des routes étroites, n'aura survécu aux décisions des élus qui se sont succédé à la tête de la ville. « Qui s'en soucie ? Surtout pas les autorités en haut lieu qui ont décidé de mener les travaux au pas de charge, prétextant la remontée des eaux », relève un natif de la localité rencontré sur les berges du port de plaisance. Les travaux d'aménagement du port de plaisance « porteront un coup fatal » à l'écosystème local. Ce port de plaisance où amarrent quelques embarcations, « sera ensablé à court terme », créant un autre problème qui nécessitera « des moyens aussi importants que ceux consentis pour son aménagement ». Une plage artificielle sera également aménagée. Selon le directeur des travaux publics (DTP), cette plage fera « 6000 m2 avec une promenade maritime de 300 m2, et une largeur variable entre 25 et 30 m ». L'aménagement de la plage par les services de la DTP ne font pas l'unanimité, loin s'en faut. Il fera monter au front des citoyens paisibles : quelques personnes habitant les alentours dénonceront « l'amateurisme » avec lequel sont menés les travaux. Plutôt que d'aménager une plage artificielle, un centre nautique aurait été le mieux indiqué pour faire l'économie d'une catastrophe naturelle irrémédiable. Aussi, la décision de lancer des programmes de logement dans l'espace de ce port n'est pas à même de pérenniser la vocation de cet endroit déjà « abâtardi » par des locataires indélicats. Les lieux ont une réputation sulfureuse. Des restaurants sont redevenus des endroits où se réunit « la pègre algéroise ». Pourtant, l'aménagement a du bon : avoir permis aux populations alentours de renouer avec l'endroit. Même les riverains n'osaient pas s'y aventurer. « Avec tout ce qui se passait à l'intérieur, personne n'osait y aller, pas même nous qui avons vécu ici toute notre enfance. C'est à peine si l'on descendait faire un tour, sans plus », assure de son côté un responsable d'une association chargée de l'environnement, insistant sur le fait que la société civile n'est pas associée aux projets par les autorités publiques. Celles-ci écouteront-elles ces associations qui auraient pu être consultées avant que les travaux d'utilité publique soient menés ? Le DTP reconnaîtra cet état de fait, mais rien n'est venu depuis pour y remédier. « Il est vrai que nous n'avons pas la culture d'associer et de communiquer et c'est un tort », reconnaît-il, sans coup férir, dans une entretien à El Watan, assurant que « sa porte est ouverte ». Depuis, rien n'est venu corroborer les affirmations du commis de l'Etat. « Les autorités ont voulu interdire la boisson sur les terrasses du port de la plage tout en permettant la consommation dans la ville. Un accord tacite voulait que les boissons ne puissent être consommées que dans les vins et liqueurs existants en ville. Cela a été possible avec le consentement des autorités de police qui laissent faire sans intervenir », soutient un Gyotvillois qui affirme qu'il n'est pas rare de voir les bagarres prendre des proportions « jamais atteintes ». Les policiers auraient dû, selon lui, porter un coup fatal à ces commerces, mais eux-mêmes s'y approvisionnent. « Le nouveau nom de la Madrague n'est pas à sa place. La plage n'a été rebaptisée comme cela qu'après avoir perdu sa beauté. » Même l'entrée de la plage du côté de la pompe à essence n'est pas bien aménagée. Des terrains sont abandonnés, donnant au lieu un air lugubre. Plus lugubre, reste pourtant le cœur du port.