Pour de nombreux spécialistes de la lutte antiterroriste, le recours aux attentats suicide est l'une des stratégies les plus redoutables à laquelle les forces de sécurité font face. Prévisibles, notamment après le dernier communiqué signé par Droukdel dit Abou Mosaâb, émir du GSPC, promettant la recrudescence des attentats après la reddition de l'émir du Sahara et l'élimination de son conseiller militaire et bras droit, Ali Disse, architecte des opérations suicide du 11 avril et juillet derniers, les actions kamikazes, indiquent nos sources, ouvrent la voie à toutes les craintes, à la veille du Ramadhan, un mois souvent propice à la multiplication des attentats. Droukdel et ses proches collaborateurs, des irréductibles, ayant à leur actif des années de maquis, ont depuis l'annonce du ralliement du GSPC à Al Qaïda, copié toutes les méthodes utilisées par cette organisation en Irak. « Depuis le 24 janvier 2007, date à laquelle l'organisation a annoncé son adhésion à Al Qaïda, de nouvelles actions terroristes sont adoptées. Et pour redonner du souffle à un recrutement en baisse continuelle, la propagande pour le djihad en Irak contre les troupes d'occupation a été savamment orchestrée et médiatisée par des sites web islamistes. L'idée est de proposer des entraînements dans les maquis, avant d'organiser le voyage vers l'Irak. Mais une fois que l'aventure commence, les nouvelles recrues se retrouvent piégées et mêlées d'une manière ou d'une autre à des attentats terroristes... », déclare notre interlocuteur. Selon lui, ces recrues sont en général des jeunes dont l'âge est compris en 15 et 25 ans. « Issus d'un milieu social plus ou moins défavorisé, ils sont âgés généralement entre 15 et 25 ans, et sont très branchés sur les questions de la religion. Ils rejoignent le maquis uniquement dans le but d'aller combattre en Irak, sensibilisés pour cela par les images diffusées sur internet... », précise notre source. Celle-ci explique qu'une fois dans les maquis, les muftis du GSPC procèdent à un endoctrinement intensif des jeunes recrues, notamment aux opérations kamikazes. « Pour plus de précaution, les chefs terroristes utilisent un double système de mise à feu des bombes qui leur permet d'actionner à distance celle-ci, avec des téléphones portables, dans le cas où le kamikaze change d'avis à la dernière minute. Les attentats sont alors filmés par l'accompagnateur du kamikaze, parce qu'il y en a toujours un choisi parmi les plus fidèles aux chefs du GSPC. Les images sont diffusées sur internet, comme cela est le cas pour les attentats commis en Irak... » Le spécialiste estime que dans ces conditions, la lutte antiterroriste devient « très difficile et complexe ». Elle nécessite, dit-il, l'implication de tout le monde, non seulement des forces de sécurité, mais également de toute la population par la vigilance. « Dans ce cas, seul le renseignement est à même de limiter les dégâts. Aucun service de sécurité, fut-il le plus équipé et le plus redoutable au monde, ne peut arrêter ou lutter contre les bombes humaines, surtout lorsque celles-ci visent des lieux publics et ciblent la population civile », note notre interlocuteur. Ainsi, ajoute-t-il, il est important de faire remarquer que le GSPC est entré dans une nouvelle phase qui consiste à élargir le champ des cibles. Des embuscades contre les patrouilles des forces de sécurité, le GSPC a multiplié ses attaques contre les casernes, les commissariats et les brigades de gendarmerie, avant de monter d'un cran et de cibler la foule qui attendait le Président à Batna. L'image d'un GSPC qui ne s'attaque qu'aux cibles armées ne peut plus être vendue. Ce qui provoque la grogne au sein de l'organisation, engendrant une saignée dans ses rangs. Mais Droukdel et ses collaborateurs poursuivent leur stratégie de la terre brûlée, en exigeant des citoyens « de déménager de leurs maisons situées aux abords des institutions publiques ». En effet, dans un communiqué diffusé juste après les attentats du 11 avril dernier, le GSPC revendique l'attentat contre le Palais du gouvernement et explique que les Algériens doivent éviter les bâtiments publics, dont les commissariats, les brigades de gendarmerie, les casernes, les ministères et les administrations. Réaction critiquée avec virulence par les salafistes, notamment par l'émir de l'organisation terroriste Houmate daâwa salafiya (HDS), qui écume la région ouest du centre du pays. Ce dernier condamne les attentats suicide en faisant remarquer « qu'en s'attaquant aux populations civiles, le GSPC est en train d'emprunter la voie de l'autodestruction tout comme le GIA avant lui ». Ces déclarations ont accentué les dissensions à l'intérieur de l'organisation de Droukdel et poussé ce dernier à opérer des purges pour étouffer toute contestation. Les redditions successives de certains chefs de phalanges sont suivies par une cascade d'arrestations dans les rangs des réseaux de recrutement et de logistique. Une offensive qui a porté un sérieux coup au moral des troupes du GSPC, au point où ses chefs sont obligés de passer à l'action, comme une bête blessée qui ne fait plus de différence entre les cibles armées et civiles. Une manière pour eux de montrer que l'organisation va bien et qu'elle garde toujours ses capacités de nuisance.