Le chef terroriste Mossâab Abou Daoud, alias Ben Messaoud Abdelkader, qui s'était rendu aux autorités de la wilaya de Djelfa, au début du mois de juillet dernier, dévoile les raisons de sa reddition et donne une description détaillée de la réalité du maquis. Mossâab Abou Daoud a été désigné, il y a un peu plus d'un an, au titre d'“émir” de la zone 9 qui couvre la région sud du pays, succédant ainsi à Khaled Abou El-Abbas, alias Mokhtar Belmokhtar. En accédant à ce poste, il se retrouve face à de nombreuses tensions entre chefs terroristes qui s'intensifient de jour en jour. Après avoir passé un peu plus de douze années dans le maquis, Mossâab Abou Daoud décide de se rendre, estimant que dans le contexte actuel, ce qu'il qualifie de “djihad” n'est ni souhaité par le peuple algérien, encore faut-il que ce dernier l'ait un jour souhaité, ni fondé sur un quelconque principe religieux. “Le combat n'est plus ce qu'il était, je suis allé au maquis pour défendre le peuple algérien qui aujourd'hui ne veut plus de cette guerre.” “Le djihad n'a d'autant plus de sens que même les oulémas se sont un par un rétractés, et à l'heure actuelle aucune fetwa ne le justifie d'aucune manière”, a révélé cet ancien chef de la zone 9, afin d'expliquer sa démarche. Droukdel, du radicalisme au déclin du GSPC Fidèle compagnon de Khaled Abou El-Abbas, Mossâab Abou Daoud affirme qu'en 1998, ce dernier avait décidé de quitter le désert malien pour revenir au sud du pays. À son retour, Khaled Abou Abbas constate alors que les Khawaridj, sous la coupe de Antar Zouabri (ancien “émir” du GIA abattu par les forces de sécurité le 8 février 2002 à Boufarik), mènent contre ses fidèles une véritable guerre pour la chefferie, à laquelle il s'empressera de répliquer. Néanmoins, grâce aux “faveurs” du terroriste fondateur du GSPC, Abou Hamza alias Hassan Hattab, il finira par obtenir le titre d'“émir” de la zone “Sahara”, un poste apparemment très convoité, puisqu'il fera l'objet de tentatives de mise à l'écart. D'autant plus qu'ayant été promu par Hassan Hattab, il ne pouvait pas avoir l'appui de Abou Moussaab Abdelwadoud, alias Abdelmalek Droukdel, surtout après sa désignation en tant que chef du “conseil des sages” du GSPC. Il faut savoir que Droukdel avait été nommé à ce poste en remplaçant Abou Ibrahim Mustapha alias Nabil Sahraoui, alors “émir” national du GSPC, après que Abou Hamza eut été déchu de cette fonction en 2003. Cependant, l'élimination du très contesté Abou Ibrahim Mustapha, en 2004, avait laissé le champ libre à Droukdel de le remplacer jusqu'à ce jour. La mainmise de Droukdel sur l'ensemble des activités de l'organisation terroriste lui a valu son isolement des autres chefs du GSPC, notamment son désormais rival Khaled Abou Abbas qui, selon Mossâab Abou Daoud, envisage de se retirer définitivement au Mali. La guerre en Irak ne sert plus la propagande terroriste Mossâab Abou Daoud reviendra également sur les techniques de recrutement qui, face à la difficulté d'attirer les potentielles recrues, se font de plus en plus pernicieuses. “Les recruteurs visent les jeunes déboussolés qu'ils endoctrinent à l'aide de projections d'images sur fond de chants de guerre, provenant d'Irak, d'Afghanistan ou encore de Tchétchénie. On leur présente une cause commune censée légitimer le djihad en Algérie”, explique l'ex-“émir” repenti. Le progrès technologique en matière de communication, notamment Internet, constitue un nouvel outil de persuasion. Les vidéos, montrant le GSPC telle une organisation puissante et structurée, disposant de tous les moyens financiers et matériels nécessaires pour mener à bien cette guerre, ont trompé nombre de jeunes recrues, qui, une fois arrivées au maquis, se retrouvent piégées. Depuis que les rangs du GSPC s'amenuisent, que ce soit grâce au redoublement d'effort des services de sécurité ou encore au grand nombre de repentis, les nouveaux venus baignent dans un climat de suspicion. Pour les retenir dans les maquis, les anciens ne les quittent pas des yeux. Sous prétexte de les protéger des terrains minés, pour chaque déplacement, ils doivent se faire accompagner par un ancien. La légion étrangère en fuite Il évoquera également le nombre de terroristes étrangers qui ne cesse de diminuer dans les maquis. Si ceux-ci s'étaient, au départ, ralliés à la cause du GSPC, telle qu'elle leur a été présentée sur les sites Internet, ils se sont retrouvés, une fois sur place, face à une toute autre réalité. Ils se sont aperçus que les communications du GSPC n'étaient que propagande, et que les dirigeants de l'organisation étaient en proie à une guerre de pouvoir sectaire et régionaliste. C'est pour cette raison que la majorité d'entre eux a quitté le pays. Les rares recrues étrangères encore présentes en Algérie le sont parce qu'elles n'ont pas d'autre choix, ou n'ont pas encore trouvé le moyen de regagner leurs pays d'origine. “Alors que j'étais “émir” de la zone 9 et membre du madjlis al-ayane, j'ai appris l'annonce d'une alliance avec l'organisation Al-Qaïda de Ben Laden sur les ondes de la radio, tel un simple auditeur. J'ai par la suite reçu un communiqué appuyant cette annonce”, affirme Mossâab Abou Daoud qui précise plus loin qu'un tel accord ne peut être conclu sans l'avis des membres du “madjlis al-ayane”. Cette décision a donc été prise sans consultation, ce qui a provoqué son rejet auprès des autres chefs. L'ancien “émir” de la zone 9 pense que le ralliement annoncé par Droukdel à Al-Qaïda n'est autre qu'une action qui vise à couvrir l'échec du GSPC en Algérie et un moyen de se donner, vis-à-vis du monde extérieur, une nouvelle image, plus crédible. Il est vrai que la situation interne du GSPC était peu reluisante. En effet, le démantèlement d'importants réseaux de soutien et les pertes occasionnées par le renforcement de la lutte antiterroriste ont porté de sérieux coups au GSPC. Et dans l'espoir de maintenir l'image d'une organisation puissante, Droukdel a recours aux attentats kamikazes, au kidnapping, au vol et au racket. Mossâab Abou Daoud a affirmé son opposition à ce type de pratiques d'autant qu'il explique que la “situation qui prévaut en Irak n'est pas comparable à celle que vit l'Algérie”. En dénonçant ces pratiques, l'ancien “émir” relève que la propagande du GSPC n'a plus d'effets, pas même sur les nouvelles recrues qui déchantent plus vite qu'on le croit. Mossâab Abou Daoud alias Ben messaoud Abdelkader a tenu à adresser aux jeunes ainsi qu'à leurs parents un appel à la vigilance. En effet, dans une longue lettre manuscrite étayée de hadiths et de versets coraniques, l'ex-“émir” énonce de nombreuses recommandations destinées à la jeunesse algérienne en proie à une manipulation. Il met en garde les jeunes contre l'enrôlement dans une cause fictive, tout en dénonçant le crime, le racket et la propagande des actes contraires à l'islam. Amina Hadjiat