On s'offrant par les urnes, mais pas seulement, les services du vieux briscard Abas El Fassi, dont le parti en est sorti number one des législatives, le monarque Mohammed VI aura réussi à mettre KO les islamistes du PJD. La machine électorale tant redoutée de Sâadeddine Othmani est contre toute attente tombée en panne, avec une seconde place sans gloire mais surtout sans grande influence sur l'échiquier politique du Maroc. Bien que la rue à Rabat et à Casablanca ait du mal à croire au score « officieux » du PJD tout comme ses dirigeants du reste, le Makhzen, lui, vient de réaliser un coup spectaculaire face à l'ennemi public numéro un et avec les compliments des observateurs étrangers ! La victoire du PJD — deuxième derrière l'Istiqlal — au goût de cuisante défaite aura été sans doute la grosse surprise de ce scrutin. Premier enseignement à tirer : les islamistes devraient repasser encore l'examen avant de s'offrir le trône du Maroc. La désaffection populaire qualifiée ici d'« historique » avec seulement 41% de participation conjuguée à une campagne « financière » menée par les partis clientèle du Makhzen ont envoyé fatalement le Parti de la justice et du développement (PJD) au tapis. Et c'est le rêve du grand AKP qui s'en trouve brisé pour Othmani et ses ouailles. L'autre fait saillant de ces élections est la grande défaite de l'Union socialiste des forces populaires (USFP). Arrivé en quatrième position avec 32 députés, le parti de Youssoufi semble avoir subi à lui seul les foudres des Marocaines par rapport à l'échec des deux cabinets gouvernementaux qu'il a pilotés ou copilotés au nom de la Koutla. En revanche, les transfuges de ce parti qui se sont regroupés autour d'une alliance de gauche ont pu enlever cinq sièges. L'USFP, qui a toujours servi de pare-chocs pour contrer la revendication d'une réforme politique allant dans le sens de la vraie monarchie constitutionnelle, aura donc laissé des plumes. Utilisé comme artillerie lourde durant la campagne contre la propagande du PJD, l'USPF se voit in fine mal payé au retour. Mais ici on pense que le parti de Youssoufi sera tout de même récompensé pour ses… royaux services. El Himma, la surprise du roi ? D'aucuns croient en effet que l'USFP ferait partie de la prochaine ancienne-nouvelle coalition appelée à « gouverner ». Le scénario le plus probable est que le Makhzen fasse reconduire le même attelage gouvernemental d'avant le 7 septembre. Mais l'USFP n'aurait pas de voix au chapitre dans cette hypothèse et sera amenée à se contenter du rôle de figurante dans un cabinet où les principaux portefeuilles iront logiquement à l'Istiqlal et au Mouvement populaire. Ainsi, ce scénario, le parti de Abas El Fassi, l'Istiqlal, le Mouvement populaire (MP), le Rassemblement national des indépendants (RNI) et l'Union constitutionnelle (UC) devraient constituer le prochain Exécutif. Les islamistes du PJD, leurs congénères puisant dans le même réservoir doctrinal ainsi que les partis de gauche devraient former une opposition bipolaire. L'autre cas de figure serait que le PJD consente enfin à rejoindre la nouvelle coalition issue des urnes pour donner corps au vœu du roi qui, dans son discours du trône, a souhaité la constitution de deux principaux pôles politiques : l'un au pouvoir et l'autre dans l'opposition suivant la logique du vainqueur et du vaincu. Dans ce cas, c'est l'USFP qui irait animer l'opposition contre son « frère » l'Istiqlal et le PJD désormais au… pouvoir. C'est que globalement, la pyramide politique du royaume n'a pas été ébranlée pas plus que les courants idéologiques dominants en ce sens que les conservateurs de tous bords en sont sortis grandis. Mais c'est surtout le roi qui en tire les dividendes. A commencer par la désignation du Premier ministre devant échoir théoriquement à l'Istiqlal arrivé en première position conformément à la promesse de Mohammed VI de choisir son homme de main parmi le parti vainqueur cette fois. Cela n'est pas évident pour autant dans la mesure où, légalement, rien ne l'y oblige. Ceci d'autant plus que les résultats chiffrés du parti d'El Fassi ne sont pas impressionnants puisqu'il est talonné de près par le PJD qui pourrait même le dépasser sensiblement lors de la consolidation des résultats définitifs. Aussi, Fouad Ali El Himma, un ancien camarade de classe du roi et son oreille attentive durant huit ans de règne, s'annonce comme le joker de Mohammed VI pour la primature. Cet ex-ministre délégué à l'Intérieur, qui a énigmatiquement démissionné le 7 août dernier pour se présenter à la députation dans sa région de Rahamnia, semble être le nouveau Basri du nouveau roi. Ce sera la surprise du chef, prévoit la presse marocaine qui ne voit pas d'un mauvais œil la consécration de ce jeune homme politique qui ne traîne pas de casseroles. A moins que le souverain ne décrète finalement de reconduire l'inusable Driss Jettou qui a cet avantage d'être politiquement incolore, professionnellement très compétent qui plus est bénéficie du respect de toute la classe politique du royaume y compris le PJD qui reconnaît le bon travail qu'il a fait six années durant. Mais encore une fois, la dernière volonté revient au roi. Et à lui seul.