Les moteurs de recherche sur Internet sont des machines bêtes et disciplinées. Si vous les interrogez en mettant en relation plusieurs mots-clés, ils vous ouvrent des portes étonnantes, parfois risibles ou incongrues. En essayant avec les mots « Ramadan », « culture » et « Algérie », le premier site qui monte à l'écran est celui d'un célèbre guide de voyage qui englobe toutes les destinations. Il est toujours intéressant, sinon vital, de savoir comment nous sommes perçus par l'autre… Ainsi, nous concernant, le guide précise : « Tout est fermé et les villes vivent au ralenti pendant la journée alors qu'à la tombée de la nuit, des spectacles, des carnavals et des cérémonies s'organisent. » Si le « ralenti » correspond bien à la réalité des choses, on peut se demander comment il peut exister si « tout est fermé » ? On apprécie, en revanche, la description plus ou moins exacte de l'animation nocturne. Depuis quelques années surtout, les opérateurs culturels redoublent de vélocité durant les soirées, mettant l'accent sur des activités généralement compatibles avec la digestion, ce qui explique la prééminence des spectacles, musique en tête. Ainsi, le seul Etablissement Arts et Culture de la wilaya d'Alger a-t-il programmé pas moins de 236 galas et pièces théâtrales, soit près de 8 par jour (mention honorable pour les animations en milieu hospitalier). Les autres opérateurs n'ont pas tous publié leurs programmes, mais, comme d'habitude, ils feront aussi feu de tout bois. Le post-qalb ellouz demeure un moment privilégié de l'année, formant un pic sur la courbe de l'animation culturelle, saison estivale comprise. On mesure alors combien notre vie culturelle et artistique manque cruellement de régularité, restant toujours rattachée à des concentrations : concentrations de périodes, concentrations aussi lors des célébrations, conjonctures, commémorations, etc. Mais revenons au site : « Dans les contrées les plus lointaines, il est malvenu pour des étrangers de se mêler à ces festivités nocturnes. » Quelle plaisanterie car la concentration spatiale de la culture est sans doute l'une des plus fortes. L'intérieur du pays reste le parent (encore plus) pauvre de cette vie nocturne souvent limitée à la TV pour les femmes et aux dominos pour les hommes. Nos aïeux, riches de leur patrimoine oral, s'offraient de véritables échanges et pratiquaient en outre la culture du Ramadhan qui, comme l'affirme encore le guide, repose sur « l'aumône, la spiritualité mais aussi la joie ». Ils seraient fiers de voir comment nous suivons leur exemple, notamment aux carrefours des villes, une heure avant le ftour, faisant à nos frères l'aumône de décibels, nous élevant dans la spiritualité mécanique et manifestant notre joie avec force klaxons et vociférations ! De vrais « descendants » en somme…