Trois semaines après l'annonce d'un accord à Annaba entre les syndicalistes d'El Hadjar et les responsables de Arcelor-Mittal, les retours d'écoute rendent compte d'une autre réalité que celle de la victoire pompeusement annoncée par Abdelmadjid Sidi Saïd, le secrétaire général de l'UGTA. Le fait est que l'essentiel du plan de compression des coûts de l'employeur indien est passé. Le plan de bataille syndical était le suivant. Aucun dossier n'est retenu dans la liste des 1200 départs à la retraite anticipée, souhaité par le numéro un mondial de l'acier pour baisser ses coûts de production sur son site de production algérien. Aucune liste constituée tant que les revendications des travailleurs ne sont pas acceptées. D'abord, le remplacement d'une grande partie de ces départs dans les postes les plus intensifs et les plus techniques. Ensuite, l'amélioration des primes au départ et l'augmentation des salaires pour les restants. Enfin, la consultation du syndicat d'entreprise dans les plans d'avenir de l'investisseur et employeur étranger en Algérie. Un mot d'ordre de grève était venu à la rescousse de ces mots d'ordre. El Hadjar était près à en découdre. Pas Alger. La direction syndicale s'est fait le messager de « l'autorité politique » du pays : pas question d'effaroucher l'investisseur étranger. Surtout pas de grève. Le déplacement de Sidi Saïd à Annaba en ces journées caniculaires d'août s'apparente alors à un vol de Canadair au-dessus d'un foyer d'incendie. Le résultat est que les garanties qu'apportent « l'accord » aux syndicalistes sont des plus faibles. Il est question de 700 nouvelles recrues mais aucune référence au calendrier des embauches, ni au profil des nouveaux recrutés. Mittal est certain de se séparer de salariés expérimentés pour de jeunes diplômés, en partie dans le dispositif emploi de jeunes, qui pèseront jusqu'à deux fois et demi moins sur les coûts salariaux. Les 1200 départs auront eux bien lieu, et dans les délais prévus. Le climat est à la dispersion des rangs. Les dossiers retenus pour le départ anticipés ont finalement dépassé les 1200 et approchent les 1500. De Londres, le groupe Arcelor-Mittal a ordonné de laisser faire. Des syndicalistes se sont, devant la tournure des évènements, glissés dans la liste des partants. En passant parfois devant des collègues à qui ils avaient juré qu'ils resteraient les derniers sur le pont. L'employeur a en plus obtenu de bloquer les salaires jusqu'à obtention d'un objectif de production de 1,3 million de tonnes à fin 2008, qui dépend largement des investissements de modernisation de l'équipement qu'il doit engager. Pas de garanties sur les nouvelles embauches, pas de limitation dans le nombre des départs, pas d'augmentation de salaires assurée : qui a gagné dans le bras de fer du mois d'août à Annaba ? La direction de l'UGTA, extrêmement discréditée pour ses placements coupables chez El Khalifa Bank, a réussi à faire passer une reddition en règle pour une victoire de la mobilisation … « des appareils ». Signe de la grande déchéance de la représentation syndicale, la cérémonie de signature de l'accord a vu la présence de Aissa Menadi. Aujourd'hui président sulfureux de l'USM Annaba, il a bâti une fortune colossale… en tant que représentant UGTA des travailleurs d'El Hadjar. Simplement en devenant l'interlocuteur incontournable pour l'embauche, pour la sous-traitance, pour la récupération des métaux et pour tous types de travaux sur le site d'El Hadjar. Un ex-syndicaliste milliardaire devenu député avec les voix de jeunes électeurs qui bloquent depuis une semaine les portes d'accès du complexe sidérurgique. Ils avaient voté contre une promesse d'embauche. Comment Mittal pouvait-il perdre devant un tel naufrage moral ?