Hier, le tribunal de Bab El Oued a connu une effervescence particulière. La salle d'attente attenant au bureau du procureur n'a pas désempli jusqu'en fin de matinée, lorsqu'à la fin des auditions les mis en cause ont été dirigés vers le juge d'instruction. En tout, 21 personnes, dont 15 policiers, ont été présentées au parquet. Au centre figurent l'ex-chef de sûreté de wilaya de Tipaza et le chef de la police judiciaire de la même wilaya, l'ancien chef de la sûreté de daïra de Koléa, ainsi que l'ex-directeur de la clinique des Glycines, de la sûreté nationale, fils de Missoum Sbih, ambassadeur d'Algérie en France. De nombreux commerçants connus sur la place d'Alger ont été également convoqués comme témoins dans cette affaire, traitée par la police judiciaire d'Alger, sur instruction du parquet, il y a quelques mois. Il est question pour les enquêteurs de lever le voile sur les complicités dont aurait bénéficié Achour Abderrahmane, l'industriel poursuivi pour un détournement de 32 milliards de dinars de la Banque nationale d'Algérie (BNA), au sein de l'administration policière. Le procureur a convoqué l'ensemble des parties interrogées déjà par la police, pour mercredi dernier, mais la présentation a été reportée à hier. En fin de matinée, les 21 personnes ont été déférées devant le juge d'instruction, lequel jusqu'en fin de journée n'avait pas terminé ses auditions. Cette affaire avait fait couler beaucoup d'encre eu égard aux lourds privilèges accordés à Achour Abderrahmane pour lui permettre de prendre la fuite, alors qu'un mandat d'arrêt international venait d'être lancé à son encontre par le parquet d'Alger à la suite du scandale de la BNA. Ce richissime industriel avait quitté le territoire national avec son passeport en bonne et due forme, tout simplement parce que la diffusion de son mandat d'arrêt comportait une petite erreur dans le nom. Qui en est responsable ? Une question à laquelle la justice va certainement répondre. Tout comme elle devra situer les responsabilités des enquêteurs de la brigade économique de Tipaza, dirigée par le chef de la police judiciaire, qui avaient ouvert une enquête en 2004, pour la fermer en l'espace de trois jours, en la déclarant infructueuse, alors que l'hémorragie dans les caisses de la banque avait commencé en 2002 et ne s'est arrêtée que vers la fin 2005. Ces conclusions ont été portées sur un rapport que Achour Abderrahmane a utilisé pour se défendre au Maroc, où il s'est réfugié, contre la demande d'extradition introduite par l'Algérie. La rédaction de ce document aurait été faite à la demande du directeur de la clinique des Glycines, M. Sbih, dans son bureau, en présence de Zouaï, ex-chef de sûreté de la wilaya de Tipaza, puis d'Oran et actuellement mis à la disposition de l'inspection régionale de Constantine, ainsi que Achour Abderrahmane et un autre commerçant d'Alger, convoqué également par le procureur de Bab El Oued. En détention provisoire depuis son extradition du Maroc en novembre 2006, Achour Abderrahmane, l'un des plus gros clients de la BNA, est soupçonné d'avoir détourné quelque 32 milliards de dinars par le biais de crédits sans garantie, le jeu de traites creuses et croisées et de chèques de cavalerie. Cette affaire, actuellement en instruction, a éclaté en octobre 2005, à la suite d'une lettre anonyme adressée aux plus hautes autorités du pays. Une plainte a été déposée par la BNA et l'instruction s'est soldée par l'inculpation de 32 personnes, dont les associés de Achour Abderrahmane, sa secrétaire et son épouse. Le juge a également inculpé les responsables des agences BNA de Bouzaréah, de Zighoud Youcef, de Cherchell, de Koléa, ainsi que l'ex-PDG de la BNA, son inspecteur général, le directeur régional et celui du réseau exploitation, deux commissaires aux comptes, deux experts-comptables, le directeur du service informatique pour, entre autres, association de malfaiteurs, dilapidation de deniers publics, faux en écriture bancaire, escroquerie et chèques sans provision. Parmi les mis en cause, 15 ont été mis sous mandat de dépôt, notamment les responsables des agences, alors que deux autres sont concernés par des mandats d'arrêt, dont un international, à l'encontre de l'ex-directeur de l'agence BNA de Bouzaréah, actuellement à Londres.