Les répliques du séisme de l'affaire Khalifa jugée par le tribunal de Blida se sont fait ressentir... à Paris où le tribunal de Nanterre vient de remettre en liberté provisoire deux importants acteurs au centre de ce scandale et qui ne sont autres que l'oncle de Moumène Khalifa, Ghazi Kebbache, et Mohamed Nanouche, tous deux cadres du groupe Khalifa. Ces derniers furent condamnés à 20 ans de prison ferme par le tribunal de Blida dans un procès qui s'était déroulé avec grand renfort de publicité et un verdict qui aura laissé pendantes de nombreuses interrogations, notamment celles liées à l'implication de dignitaires du régime et leurs proches dans cette affaire. Les noms du frère du président Bouteflika, de la fille de Larbi Belkheir et de l'ancien directeur du protocole de la présidence, actuellement ambassadeur d'Algérie à Rome, Rachid Maarif, balancés par Ghazi Kebbache devant le juge d'instruction français lesquels sont accusés d'avoir bénéficié de largesses de la part de Moumène Khalifa qui les a gratifiés de somptueux appartements dans des quartiers huppés de Paris plantent le décor de ce qui ressemble déjà à un contre-procès du tribunal de Blida. Une affaire aux contours politico-judiciaires Aucun des noms cités au tribunal de Nanterre n'est sorti ni dans l'acte d'accusation ni lors du procès de Blida. Le verdict avait été accueilli par l'opinion publique avec circonspection. Anticipant la réaction de la vox populi, la chancellerie s'était empressée, sitôt le procès de Blida terminé, d'annoncer que le relais est pris par la Cour suprême pour tous les responsables, ministres et autres hauts cadres couverts par le privilège de juridiction. Plusieurs mois après la fin du procès de Blida, rien n'a filtré de la Cour suprême. Le signal est venu de Paris dont la justice a décidé de la remise en liberté provisoire de deux pièces maîtresses du dossier Khalifa tel que jugé par le tribunal de Blida qui les a condamnés à 20 ans de prison ferme. L'affaire jugée par le tribunal de Nanterre n'a pas tardé à prendre les contours d'un procès politico-judiciaire au regard des fuites (volontaires ?) dont la presse s'est fait l'écho et mettant en cause de hauts responsables algériens et leurs proches. Nul doute que les deux cadres du groupe Khalifa ne se sont pas fait prier pour abondamment abreuver les juges français en documents fracassants que les juges algériens n'ont pas eu entre les mains ou que l'on a rangés délibérément au fond du tiroir pour les raisons évidentes que l'on devine. La France officielle qui n'est certainement pas étrangère à ce « coup de jarnac » pourra toujours se prévaloir de l'indépendance de la justice pour s'en laver les mains quant aux lectures et insinuations politiques qui sont ou pourraient être faites suite à certaines informations politiquement lourdes de conséquences, distillées outre-mer. Les limites de la raison d'Etat que d'aucuns avaient invoquées en pariant que l'Etat français ne franchirait jamais le pas de laisser la justice française altérer les relations entre Paris et Alger en politisant l'affaire viennent d'être de fait dépassées suite aux révélations fracassantes faites devant le tribunal de Nanterre. Il faudra s'attendre dans les jours et semaines à venir à de nouveaux rebondissements et à une accentuation de la pression sur le régime relayés par la presse et la classe politique française. Une espèce de remake en quelque sorte de l'offensive politico-médiatique dirigée on s'en souvient contre le système avant que le scandale Khalifa n'éclate au grand jour. Une carte que les Français pourraient bien utiliser comme arme de chantage dans leurs négociations des parts de marché en Algérie où ils sont confrontés depuis quelques années à une rude concurrence. Seulement, il se trouve que les faits de corruption mettant en cause des personnalités algériennes et leurs proches accusés d'avoir acquis de manière peu recommandable des biens immobiliers en France peuvent être facilement vérifiés sur le sol français. Nouvelles pistes d'enquête S'agissant d'un Etat de droit, rien ni personne ne pourra s'opposer à la manifestation de la vérité. Et c'est en cela que le procès Khalifa en France apparaît comme un contre- procès par rapport au verdict prononcé par le tribunal de Blida dans la mesure où il se hasarde sur des pistes d'enquête nouvelles ignorées par la justice algérienne. Il reste à savoir s'il existe des arrière-pensées politiques du côté français en s'aventurant sur ce terrain miné. Et surtout si des poursuites judiciaires seront lancées contre les personnalités algériennes mises en cause. Autrement dit, si la justice française ouvrira une information judiciaire pour savoir s'il y a eu infraction à la loi dans le mode d'acquisition de ces appartements. La logique, ou tout simplement le droit aurait voulu que l'Etat algérien en tant qu'Etat qui est interpellé et non pas le régime ou plus clairement encore le président de la République qui est, on l'aura compris, ciblé par ces révélations-accusations se saisisse par le biais de la justice algérienne de ces nouveaux éléments du dossier Khalifa mis au jour par la justice française, en réclamant d'elle les preuves des accusations portées à l'encontre des personnalités incriminées pour ouvrir une enquête et envisager les poursuites judiciaires prévues par la loi. L'erreur serait que l'Algérie réservât à ces révélations un traitement politique qui ne pourrait que jeter davantage le doute et la suspicion sur la gestion de ce dossier qui est le moins que l'on puisse dire loin de faire le consensus au niveau de l'opinion publique.