Plus qu'un énième durcissement de la loi sur l'immigration, notamment du regroupement familial, c'est une rupture avec un fondement républicain que l'Assemblée nationale française a engagée jeudi. En effet, en adoptant l'amendement portant sur les tests génétiques, l'Assemblée nationale française a rompu avec un principe éthique, mais aussi juridique constituant le socle de la famille en France, du lien familial. Quand bien même il reste facultatif et expérimental après avoir été remanié, l'article portant sur les tests ADN proposés aux familles de candidats au regroupement familial pour établir, en cas de doute, la filiation entre les demandeurs et leurs proches, est plus que discriminatoire, il est attentatoire à un fondement juridique et moral. En votant l'amendement Mariani, l'Assemblée écarte ce principe par souci de lutter contre la fraude à l'immigration. L'amendement, modifié, adopté par 91 voix contre 45, précise qu'« un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'application des examens d'empreintes génétiques et notamment la liste des pays concernés et les conditions dans lesquelles sont habilitées les personnes autorisées à procéder à ces examens ». « Le dispositif prévu au présent article s'appliquera jusqu'au 31 décembre 2010. » Cet article, qui a soulevé une vive controverse parmi les députés, jusque dans les rangs de l'UMP, le parti majoritaire et au sein du gouvernement, pour être définitif devra être approuvé par le Sénat, lequel examinera le texte dans les prochains jours. « Les principes éthiques qu'on a mis en place pour l'ensemble de la population française, ou ayant envie de vivre en France, font partie de l'identité nationale. Défendre cette identité, cela veut dire parfois renoncer à des techniques nouvelles ou séduisantes... », a estimé le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch. Le haut commissaire a ajouté qu'il « comptait sur le Sénat pour ne pas s'engager dans cette voie ». Pour sa part, Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères, et Fadéla Amara, secrétaire d'Etat à la Ville, se sont également montré réservés. Quant au président de la République, il a déclaré jeudi soir sur TF1 et France2 « ne pas être choqué » par cet amendement. Les tests ADN sont contraire à la loi de bioéthique de 1994, confirmée en 2004. En France, les tests génétiques à des fins autres que scientifiques ou médicales sont interdits par l'article 16 du code civil, sauf dans des cas graves et sous contrôle judiciaire. Ainsi, pour la quatrième fois en quatre ans, les députés ont adopté jeudi une nouvelle loi sur l'immigration qui durcit encore plus les législations déjà restrictives de 2003 et 2006. Parmi les autres dispositions adoptées par les députés figure « la connaissance de la langue et des valeurs de la République » qui sera désormais exigée des candidats à l'entrée en France. L'immigré qui demandera le regroupement de sa famille devra justifier, au titre de ses ressources, de l'équivalent au moins du smig, voire plus pour une famille nombreuse. Les parents dont des enfants auront bénéficié du regroupement familial devront conclure un contrat d'accueil et d'intégration (CAI). L'autorisation d'obtenir, depuis la France, un visa long séjour pour les conjoints étrangers de Français entrés régulièrement et vivant sur le territoire depuis plus de six mois, est abrogée. L'étranger ayant un statut de résident depuis plus de dix ans reçoit une carte de résident illimitée au lieu des dix ans actuels. Quant au réfugié, après le rejet de sa demande d'asile, il ne dispose plus que de quinze jours, contre un mois antérieurement, pour déposer un recours. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) passe de la tutelle des affaires étrangères à celle de l'immigration. Nicolas Sarkozy a réitéré jeudi soir son option pour une « immigration choisie ».