L'instabilité sécuritaire du Maghreb inquiète l'Europe. Les menaces apparentes de ce qui est appelé Al Qaïda au Maghreb contre les étrangers ajoutent une intensité à ces craintes. Même si ces menaces ne sont pas nouvelles ni dans la logique ni dans la philosophie, l'Union européenne (UE), qui veut avoir ses propres mécanismes sécuritaires, entend renforcer la concertation avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. Les 28 et 29 septembre 2007, la ville portugaise d'Evora abritera une rencontre des ministres de la Défense du Maghreb et de l'UE. Une conférence informelle, selon un communiqué de l'UE, répercuté par les agences de presse. L'UE, toujours attachée à son initiative de Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), opérationnelle depuis 2001, cherche à convaincre les responsables militaires du Sud à adhérer à cette démarche. L'idée est que la stabilité de la Méditerranée concerne tout le monde. Comme les pays du Maghreb ne sont que des partenaires, il reste à trouver des instruments pour mettre en application la coopération autour du PESD. Il est vrai que les deux parties sont déjà liées par le cadre informel et restreint des 5+5 qui regroupe les pays du Maghreb et l'Espagne, la France, l'Italie, Malte et le Portugal. Les questions sécuritaires et militaires sont souvent discutées au sein de ce cadre qui s'est réuni, au moins deux fois, en Algérie. Le changement continuel de la situation avec une certaine dégradation du climat de sécurité en Algérie, au Liban et, à un degré moindre au Maroc, fait que la consultation doit être élargie à d'autres pays et les réponses doivent être mieux concertées. Reste que l'UE est tenue de clarifier les objectifs à long terme de la PESD qui ne fait pas consensus au sein de l'Organisation transatlantique Nord (OTAN), dont la plupart des pays de l'UE sont membres. La PESD, qui fait appel parfois à l'engagement de troupes pour gérer des conflits à l'échelle internationale, concurrence directement les opérations organisées par l'OTAN dans certains endroits. Même si les accords de Berlin de 2002 signés entre l'UE et l'OTAN visaient à éviter « la surcharge » des tâches, il reste que le problème n'est pas totalement réglé. L'OTAN a engagé « un dialogue Méditerranée » avec le Maghreb et le Moyen-Orient. Que faut-il prendre ? Ce cumul d'initiatives n'est que la conséquence d'une lutte d'influence peu apparente entre les Etats-Unis, l'UE et même la Russie. Les Européens travaillent pour bâtir eux-mêmes leur propre politique de sécurité fortement liée à celle des relations extérieures. D'ailleurs, la PESD est l'élément central de la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Les membres de l'UE, à l'exception peut-être de la Grande-Bretagne et aujourd'hui de la France, ne veulent pas que ces deux politiques soient inspirées du modèle américain. Ce n'est pas par hasard que Washington n'apporte aucun soutien à la PESD et ne souhaite même pas son évolution. Avec le Maghreb, les Etats-Unis sont engagés dans plusieurs opérations politiques et militaires. Jusque-là, plusieurs manœuvres ont été organisées avec les armées de la région. Plusieurs hauts officiers américains ont rendu visite au Maghreb. Sur le plan pratique, cette coopération, qui a assurément des visions stratégiques, semble plus avancée. Les exercices militaires entre les armées du Maghreb et de l'Europe sont plutôt rares. La coopération se limite à des visites de frégates ou de bâtiments de guerre dans les ports. L'Union européenne s'est gardée de se positionner sur l'idée des Etats-Unis de créer un commandement en Afrique (Africom). Alger, Rabat et Tripoli ont été largement consultés par Washington pour les objectifs de l'Africom et de son emplacement (un budget a été déjà dégagé à cette opération). L'Africom, dirigé depuis le début de ce mois par le contre-amiral William E. Ward, aura pour tâche, entre autres, de prévenir les attaques de type terroriste et le trafic d'armes. Il sera opérationnel à partir de juillet 2008. L'UE, qui a déjà géré des missions civils en RDC (ex-Zaïre), n'entend pas laisser le terrain vide. Aussi, la conférence du Portugal sera élargie au « dialogue » avec l'Union africaine (UA). La coopération avec l'Afrique est qualifiée d'essentielle par l'UE. L'objectif ? « Relever le défi des nouvelles menaces transnationales », est-il précisé dans le communiqué de l'UE. L'UE entend aider les Africains à se doter de moyens leur permettant de prévenir et de gérer les crises et les conflits. La démarche n'est pas uniquement militaire (la PESD a un volet civil). Ce qui rompt avec l'esprit de l'Africom conduit que par des soldats. La démocratie, la bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme sont également des éléments de la nouvelle offre européenne. L'avancée de la Russie, et à un degré moindre de la Chine et de l'Inde, est prise en charge par les stratèges européens.