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Anne Giudicelli. Directrice de Terrorisc (structure de conseil opérationnelle sur les menaces politiques et sécuritaires) « Le GSPC a réorienté sa stratégie »
Quelle lecture faites-vous des derniers attentats kamikazes ? S'agit-il d'une recrudescence ou d'une continuité de la stratégie du GSPC ? Recrudescence voudrait dire que l'activité du groupe se soit arrêtée ou a été éradiquée. Ce qui n'est pas le cas. Depuis l'intégration du GSPC dans la nébuleuse Al Qaïda annoncée par le numéro 2, Ayman Al Zawahiri, en septembre 2006, à la suite de quoi le GSPC s'est renommé en Al Qaïda dans les pays du Maghreb islamique (AQMI), le groupe a marqué une montée en puissance qui n'a pas cessé depuis. On peut donc parler de continuité dans la capacité d'action du groupe qui,malgré les coups portés par les forces de sécurité du pays, parvient à continuer de le frapper lourdement. En revanche, les derniers attentats font apparaître un recentrage dans la stratégie d'action : si les modes opératoires, en particulier l'utilisation de voitures piégées ou le recours à l'attentat suicide, s'inscrivent dans les pratiques d'Al Qaïda, le choix des cibles est concentré sur les forces de sécurité et notamment la gendarmerie, ce qui reste dans les objectifs traditionnels du GSPC d'avant AQMI. Il y a eu un débat très aigu, depuis les attentats de décembre 2007 à Alger, dans les rangs du groupe et au-delà des groupes similaires au groupe algérien dans la région, sur la légitimité à frapper des civils. Ce qui a poussé la direction du groupe à réorienter sa stratégie vers des cibles plus « consensuelles » dans la mouvance, avec un souci « d'images » également. Et la volonté de ne pas sombrer dans la dérive GIA. Cibler des étrangers reste également une constante : on l'a vu encore dernièrement avec l'attentat contre l'entreprise française Razel en juin dernier et ici contre apparemment des intérêts canadiens avec l'attaque sur un bus transportant les employés d'une de leurs entreprises devant l'hôtel de ville de Bouira. L'objectif n'a pas changé : faire tomber le régime. Avec la nouvelle attribution que son intégration à Al Qaïda a ajouté : fédérer d'autres groupes dans la région pour les inciter à faire de même chez eux. Revient-on au schéma des années 1990 qui fait coïncider les crises sécuritaires au ramadhan et à l'approche de rendez-vous électoraux ? Le contexte politique et/ou symbolique (dates et autres événements historiques) joue toujours dans la stratégie d'action des groupes et l'impact recherché. C'est vrai en Algérie comme ailleurs. Il s'agit de peser sur un événement majeur, comme par exemple une élection présidentielle, en s'efforçant de créer un contre-événement majeur, comme un attentat. L'exemple de l'Espagne – les attentats de Madrid – est un cas d'école pour les groupes s'inscrivant dans cette mouvance. La France avait cette crainte lors des dernières présidentielles. Mais il est vrai aussi pour les gouvernements. Aucun pouvoir politique, y compris démocratique, n'échappe à la tentation d'instrumentaliser les questions sécuritaires et la menace terroriste. On rassemble un peuple autour d'une menace et on lui fait accepter ce qu'il ne veut pas forcément parce qu'il y a plus grave… L'ancien chef du GSPC, Hassan Hattab, a pour la première fois lancé hier un appel aux islamistes armés pour quitter le maquis. Est-ce une initiative porteuse ? A-t-il encore aujourd'hui une quelconque influence sur le maquis ? S'il a été le chef du GSPC, Hassan Hattab a depuis rejoint un autre front – si ce n'est un autre maquis : celui de la politique de réconciliation. Ce qu'il incarne et représente aujourd'hui. Ce n'est pas la première fois qu'il s'exprime dans ce sens et les faits sont venus démontrer que sa voix n'avait pas atteint les montagnes du maquis. Ce qui est plus inquiétant, c'est le fait qu'il continue. Comme s'il n'y avait rien d'autre à dire et à faire entendre.