Rythme intense, les courts métrages sont souvent plus parlants que n'importe quel film d'une heure trente ou plus. Peut-être parce qu'ils sont souvent étranges ou parce qu'ils tapent fort, au centre, là où il le faut… Quoi qu'il en soit, parmi les courts métrages sélectionnés cette année en compétition, certains émergent comme de véritable chefs-d'œuvre cinématographiques, comme des histoires à faire réfléchir, ou encore, comme de petits contes sans effets secondaires, si ce n'est du plaisir. Raymond (France/Royaume-Uni, 6'), du collectif Biff est un exemple type de la première catégorie. Raymond est un maître-nageur qui rêve de découvrir l'océan. Mais voilà : il est paresseux, il manque d'énergie. Des scientifiques décident d'étudier son cas de près et tentent une expérience incroyable. Résultat : il finit par être propulsé dans l'océan à travers une porte qui est ouverte à tous ceux qui manquent d'énergie. Un peu surréaliste, amusant aussi, ce court métrage a tout de même obtenu le prix de l'œuvre d'art numérique au Festival de Clermont-Ferrand. Bien mérité. Moi, ma sœur et la « chose » (15'), de Kaouther Ben H'Nia est très intéressant. Adapté d'une nouvelle, L'homme, l'enfant et la chose, du père de la jeune réalisatrice qui signe là sa première œuvre hors études. Le film met le doigt sur les rapports fraternels, d'une part et, sur le sexe vu – et appréhendé – par les enfants, dans un pays et même une région, où le sujet est également mal appréhendé par les adultes, d'autre part. Un tabou dont on parle par métaphore. Un enfant de 7 ans, dans un petit village de Tunisie, tente d'empêcher sa sœur Meriem de se marier et de faire « la chose » avec un homme qui l'a déjà fait avec une paysanne. Ses camarades de jeu n'arrangent pas la situation. Talent prometteur, la jeune réalisatrice a su donner à son œuvre une dimension très authentique, notamment dans le choix des comédiens amateurs mais naturels. La grand-mère, seule actrice professionnelle, est surprenante avec ses réflexions limite cocasses et ses commentaires typiques. Manon sur le bitume (14'), de Olivier Pont et Elizabeth Marre, est pour sa part un film qui fait réfléchir. Une jeune femme qui n'avait pas prévu de mourir à un accident de vélo et, sur le bitume, se souvient de toutes ses dernières fois, de tout ce qu'elle aurait aimé dire à ses proches… Idem pour La terrasse (12'), de Phong Ha Nguyen, une histoire entre père et fils. Le premier qui répète sans cesse ses questions et son fils, exaspéré de répondre à chaque fois. Jusqu'à ce qu'il jette un œil à ce que le vieil homme lisait sur la terrasse, le journal intime de la maman. Celle-ci raconte que le fils, très jeune, posait les mêmes questions 10 fois de suite et que son père, patiemment, lui répondait 10 fois de suite. Mais voilà, ce père vient de mourir à l'intérieur de la maison. Boulevard l'Océan (20'), de Céline Novel, fait à la fois partie de la première et de la dernière catégorie, le petit conte attachant et plaisant. Celui d'une jeune femme en vacances au bord de la mer qui va se surpasser dans une activité qu'elle ne maîtrise pas. En somme, rien d'extraordinaire si ce n'est l'absurdité de la situation. C'est qu'elle ne sait pas faire décoller un cerf-volant. Après plusieurs tentatives infructueuses, elle finit par y arriver, sous l'œil d'un chercheur d'or dans le sable. La presque absence de dialogue donne au film un côté à la fois étrange et burlesque, mais toujours attachant. Enfin, A l'ombre (20'), de Simon Lavoie. Tragique histoire d'une mère en prison qui refuse de rompre le lien fragile avec son fils. Le film a été tourné dans un véritable pénitencier pour femmes au Québec et fait un zoom sur le côté sournois et insensé de ce lieu. Ce sont là autant d'histoires courtes en compétition officielle du 22e FIFF, révélant des talents autant qu'une réelle volonté de valoriser le court métrage. Pour le Festival qui récompense chaque année d'un Boyard d'or les œuvres les plus remarquées, le court métrage n'est pas seulement une « antichambre du long métrage » ni un film qu'on fait « faute de mieux ou faute d'argent ». Pour le FIFF, il s'agit réellement d'un genre, d'une discipline à part entière, avec ses propres codes et ses classiques.