Tout usage finit par se changer en abus », disait Jean Dutourd. Une citation on ne peut plus vraie concernant les marchés clandestins ou illégaux que la puissance publique désigne par fausse pudibonderie par marché informel. En ce mois béni du calendrier lunaire, où la cité se veut trépidante, les petits revendeurs s'installent, au fil des jours, sans bourse délier, dans les coins et recoins des quartiers populaires et populeux. Chaque empan d'espace public est pris d'assaut par le petit revendeur qui en fait un lieu attitré pour planter son éventaire. Et gare aux commerçants contribuables ou aux riverains de faire part des désagréments que leur causent les étals qui leur bouclent toutes les issues. Qui leur verrouillent les entrées, aussi. Gare à eux de faire montre d'indignation ! Car ils en prendront pour leur grade. Oui, on brave la puissance publique. Celle-là même qui a beau annoncer que des mesures sont prises pour éradiquer le mal qui obstrue les artères devenues, à la longue, piétonnes. Elle a beau intervenir de manière erratique pour endiguer ce négoce dont des centaines de milliards de centimes échappent au Trésor. Elle a beau rassurer les propriétaires de magasins que les squatters de rue permanents ne leur dameront plus le pion en matière de concurrence. Elle a beau s'égosiller que des lieux sont aménagés à cet effet et, par ricochet, les rues et ruelles seront libérés du diktat des « petits » qui écoulent les containers des nababs de l'import-import. N'empêche que la réalité est tout autre. Plus on parle d'informel, plus les squatters des lieux publics font preuve de résistance. Plus on réalise de marchés aux fins d'abriter de manière décente les marchands ambulants, plus les rues sont engorgées. A croire que ces derniers ratissent large en présentant leurs étals sur le trottoir, voire rognant la quasi-largeur de la chaussée. Ils « racolent » mieux le chaland. Plus, à la nuit tombée, ils triturent les boîtes de dérivation pour piquer l'électricité. A partir des lianes inextricables suspendues au-dessous des balcons, ils acheminent le courant pour éclairer le devant de l'étal tout en prenant soin de baigner l'autre versant dans le noir. Bien sûr, sans payer de facture. Une virée du côté de Zoudj Aayoun ou au marché dit des Trois-horloges nous édifie sur cette forme de hacking. Tout le monde fait ce que bon lui semble. « Ta'a beylik », dit-on. On semble se trouver dans ce beau décor. Dans ce fouillis de désordres.