Les artères de la capitale continuent à être squattées par le négoce de la rue. La puissance publique montre des signes d'essoufflement quant à l'éradication de ce marché informel qui prolifère à chaque coin d'espace public dans l'impunité. Une activité florissante qui représente une part de marché juteuse pour des importateurs qui échappent, rappelons-le, au Trésor public. Les quartiers populeux sont envahis à longueur de journée par les revendeurs qui ne font plus dans la sauvette. Ces mêmes espaces qui, une fois libérés des « parasites » sont vite réoccupés par d'autres. Ceux-là mêmes qui s'arrogent le droit de faire main basse sur chaque empan, engorgeant la voie publique, générant bousculade et obstruant chaque entrée d'immeuble. Et gare à celui qui ose leur faire une quelconque remarque ! Il se verra vite rappeler à l'ordre. Au risque de se voir malmener, injurier, voire tabasser. « Cette voie n'est pas à toi », « Va voir si j'y suis ! » ou encore « Hna i mout Kaci », lui lancent vertement — presque à l'unisson — les petits revendeurs qui se mettent sur leurs ergots, bombant le torse pour « défendre » ce qui ne leur appartient pas : un bien d'utilité publique. La rue Abdelkrim Khatib, sise à Bab El Oued — devenue un passage automobile à sens unique depuis la mise en place du plan de circulation en 2005 —, se voit, tôt le matin, quasiment conquise par les ballots de produits de pacotille. Quant aux rues adjacentes du marché des Trois-Horloges, c'est le grand charivari. On étale à tous vents. A un jet de pierre de là, le long du lieu-dit Zoudj Aâyoun, le décor n'est pas différent. Il faudra jouer des coudes pour se frayer un chemin au milieu d'un ramdam. Quant à la rue Amar Ali (ex-rue Randon), l'idée n'effleure même pas la puissance publique de déloger ces revendeurs attitrés dont certains monnayent leur place à coups de millions. On semble s'y retrouver dans ce genre de consensus qui ne dit pas son nom. « Tout usage finit par se changer en abus », disait à juste titre Jean Dutourd. Le hic est que le quidam ne peut ne pas remarquer l'attitude de défi que manifestent les squatters de rue envers les patrouilles de la Tunique bleue. Cette dernière semble en avoir marre de se prêter à une telle besogne : la traque des petits nababs. On préfère les ménager et les prier tout juste à céder le passage...