Paris a toujours considéré et continue de considérer le terrorisme algérien, comme une menace « forte », « réelle », voire « inscrite dans la durée ». Paris. De notre bureau En matière de partenariat dans les domaines de la sécurité civile et du renseignement, la France prendrait-elle la main ? Qu'a proposé Paris à Alger pour que le ministre de l'Intérieur, Noureddine Zerhouni, en visite de deux jours dans la capitale française, qualifie ce partenariat d'« évolution positive » et que lui-même ainsi que son homologue française Mme Alliot Marie parlent de « relations fondées sur la confiance ? » (lire El Watan d'hier). A une question sur l'enquête de flagrance confiée à la DST par le parquet de Paris sur l'attentat de Lakhdaria au cours duquel deux ressortissants français ont été blessés — qui n'a officiellement été ni confirmée ni infirmée — la réponse de M. Zerhouni a été évasive, renvoyant à son collègue algérien de la justice. Mme Alliot-Marie, quant à elle, n'a fait aucun commentaire. Sur cette décision qui aurait froissé Alger, M. Zerhouni aurait-il été contenté ? Au cours de son séjour de deux jours à l'invitation de Michèle Alliot-Marie, qu'il n'a rencontrée que vendredi en fin d'après-midi pour un tour de table d'une heure suivi d'une conférence de presse conjointe, M. Zerhouni n'a-t-il pas eu d'entretien avec le président Sarkozy, bien que l'agenda du chef de l'Etat français, établi par l'Elysée, n'en ait pas fait mention, ni les deux ministres de l'Intérieur n'en aient dit un mot ? La France s'impliquerait-elle directement dans la sécurité de ses ressortissants en Algérie, voire au Maghreb en général ? Sous quelle forme ? Le porte-parole du Quai d'Orsay nous affirmait le soir de l'attentat de Lakhdaria que de nouvelles mesures de sécurité et dispositions étaient communiquées aux postes consulaires français établis au Maghreb. Par ailleurs, si Mme Alliot-Marie s'est dit « intéressée » par l'analyse de M. Zerhouni sur le terrorisme dit islamique (termes employés par le ministre) en Algérie et son évolution, elle n'a pas ajouté qu'elle la partageait ou qu'elle l'avait convaincue. Paris a toujours considéré et continue de considérer le terrorisme algérien, quelle que soit son appellation — GIA, GSPC ou Al Qaïda Maghreb islamique — comme une menace « forte », « réelle », voire « inscrite dans la durée ». M. Zerhouni a considéré vendredi que le GSPC ne recrutait plus de jeunes au nom de l'Islam, mais pour l'Irak, la Palestine et que ces dernières années le contexte international, la situation au Moyen-Orient avaient « boosté » le terrorisme, ajoutant qu'une certaine islamophobie a créé un « état d'esprit pas favorable aux pays occidentaux, laissant des brèches qui ont été exploitées chez nous », en précisant plus loin que cette analyse peut ne pas être partagée par des spécialistes, mais ce sont là « des éléments qui mobilisent les jeunes du monde arabe et musulman, mais pas au nom de l'Islam ». A ce propos, une note de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) du 1er septembre 2006 signalait que plusieurs dizaines à plusieurs centaines d'amnistiés auraient d'ores et déjà rejoint les maquis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), qualifié par l'UCLAT de « l'une des menaces les plus lourdes qui pèsent actuellement sur la France, historiquement cible privilégiée des terroristes algériens ». Vendredi, M. Zerhouni avait indiqué aux journalistes qu'un très petit nombre d'amnistiés avait rejoint les maquis. Toujours selon l'UCLAT, deux zones de combat, l'Irak et l'Afghanistan, attirent les volontaires au « djihad ». L'Irak « constitue la menace la plus préoccupante ». « Principale terre du djihad », le pays accueille des militants prêts à combattre ou « à revenir dans leur pays d'origine pour y perpétrer des attentats une fois formés aux techniques du terrorisme urbain ». En Afghanistan, la note souligne que l'alliance entre les talibans et Al Qaïda « augmente la menace » pesant sur les forces françaises, et ce, au moment où « la France a pris au début du mois d'août le commandement de la Force internationale d'assistance à la sécurité » à Kaboul. Le renseignement reste la première arme préventive au terrorisme. A titre d'illustration de la coopération algéro-française en la matière, la remise par Alger à Paris en novembre 2006 de la liste complète des détenus islamistes libérés depuis mars 2006 dans le cadre de la politique de « réconciliation nationale ». Il s'agit d'un fichier contenant des éléments directement utilisables par les spécialistes français. Ou plus récemment, début septembre, après que les services secrets algériens aient reçu des informations faisant état de la volonté d'un groupuscule se réclamant du mouvement terroriste Al Qaïda pour le Maghreb islamique (AQMI) — ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat — de kidnapper des ressortissants français, en liaison avec les services français de la Direction de la surveillance du territoire (DST), les deux « cibles » ont été identifiées comme étant deux employés d'ADP en poste à l'aéroport Houari Boumediène d'Alger. Quid de ce partenariat renforcé dans les domaines de la sécurité civile, du renseignement et de la lutte contre le terrorisme ? Quels sont ses contours ? Ses formes ? Son contenu ? Aussi bien Alliot-Marie que Zerhouni en semblaient satisfaits. « Nous nous félicitons d'avoir construit une confiance dans un domaine aussi sensible que la sécurité, tout est possible pour le reste », a affirmé M. Zerhouni.