Namur n'a rien à voir avec la Croisette et la cérémonie de remise de prix du FIFF n'a rien à voir non plus avec celle de Cannes. Ici, pas de paillettes, ni de chichis. Tout est dans la sobriété. Et pour cause, ce festival, désormais le plus important pour le cinéma francophone, privilégie les films d'auteurs et les scenarii porteurs de messages. Huit jours de projections, de rencontres et de débats intenses. Ce vendredi soir, l'événement prend fin. La clôture de la 22e édition de ce festival se déroule dans le grand Théâtre Royal de Namur, dans la simplicité. L'ambiance est détendue et l'assistance est chaleureuse. Pour la première fois, la cérémonie est ouverte au public, celui-là même qui a son mot à dire dans l'événement puisqu'il constitue en quelque sorte un jury pour deux prix. Une grande partie des réalisateurs primés a brillé par son absence, pour causes professionnelles. Ce qui n'a pas empêché quelques-uns d'envoyer des fax ou des textos pour remercier le festival et le public. Mais qu'importe, puisque le grand vainqueur de la soirée était présent pour recevoir son Bayard d'or. Son film fait partie de ceux qu'on aime ou qu'on n'aime pas d'emblée. Mais il ne laisse personne indifférent. Lors de la première projection, certains se sont endormis et ont ronflé. Mais ils n'étaient pas nombreux. La majorité a apprécié ce film aussi amusant qu'étrange. Déjà, le titre laisse songeur. On n'a pas idée d'appeler son film ainsi et même après l'avoir vu, on ne comprend pas forcément son rapport avec l'histoire. Heureusement qu'il existe ce qu'on appelle un dossier de presse, où ce genre de détail est livré ! Donc, le titre. Eh bien, c'est très simple : Continental, en Amérique du Nord est une danse en ligne, c'est-à-dire, une danse en groupe où chacun évolue mais seul de son côté. Aussi, le mot fait-il référence à l'appartenance géographique. Quant à Un film sans fusil, il traduit un certain confort dans lequel vivent les Canadiens. Il fallait y penser, diront certains. Eh bien, ceux qui ont eu l'occasion de voir le documentaire Bowling for Colombine, de Michael Moore et notamment la partie qui concerne l'usage quasi rare des armes à feu au Canada, saisiront rapidement la nuance ! Voilà, maintenant que le titre est compris, passons à l'histoire du film. Un homme descend d'un autobus en bordure d'une forêt. Il fait nuit, on ne perçoit que les bruits d'insectes et d'animaux. Il disparaît. Puis, quatre personnages dont la rencontre découle indirectement de cette disparition : Lucette, la femme de cet homme qui vit dans l'attente de son retour ; Louis, un jeune père de famille qui, à distance, traverse une mauvaise période en couple ; Chantal, une réceptionniste d'hôtel qui rêve de rencontrer quelqu'un ; Marcel, un ancien joueur compulsif confronté à la fatalité de l'âge. Que des héros de l'ordinaire à qu'il n'arrive rien d'extraordinaire. Mais pour chacun d'eux, c'est ce qu'il y a de plus important au monde. La caméra aurait pu se poser ailleurs et cadrer quatre autres personnages. Parce que le plus important dans ce film réside dans la cohabitation. Un peu pour dire qu'on n'est jamais tout à fait seul, ou du moins que face à la solitude, il y a une certaine solidarité naturelle. Le réalisateur a abordé son film avec une grande part d'instinct. On a presque l'impression que chaque personnage a sa propre marche de manœuvre. Un peu comme si tout était à la fois réel et surréel. Le choix de Stéphane Lafleur de faire une économie de musique au profit de petites trames sonores propres aux personnages accentue cette impression. Contrairement à la majorité des films, ces petits sons du quotidien ne sont pas atténués. Tout au long de l'histoire, on entend très distinctement le ronronnement du réfrigérateur, la présence des voisins, la télévision, la pluie qui tombe et même les petits bruits de la forêt. Bref, tous les sons qui meublent la vie de tous les jours. Ce qui accentue la notion de drame autant que la lumière automnale et le temps qui s'écoule lentement. En parallèle, le film est quasiment constitué de plans fixes. Le spectateur peut voir toute l'action à travers le cadre, en sachant qu'il y a les autres personnages dont la vie se poursuit et qu'on ne voit pas à cet instant. Tout cela renforce l'impression de continuité. On sait qu'une fois le film fini, chaque histoire personnelle se poursuit au-delà du cadre et au-delà de toute volonté. Le réalisateur a su habilement « donner » toutes ces sensations. Son expérience de monteur l'a beaucoup aidé dans l'écriture du scénario. Peut-être que sa réalisation de plus d'une trentaine de courts métrages l'a pas mal entraîné aussi. Continental. Un film sans fusil a récemment reçu le Prix Citytv, remis au premier film canadien, au Festival international du film de Toronto.