La France éprouve assurément une peur bleue contre d'éventuels attentats terroristes sur son sol ou contre ses intérêts, notamment en Algérie. Et ce sont ses services les plus informés qui le disent : la Direction de surveillance du territoire (DST) et les renseignements généraux (RG), qui forment l'appareil français de renseignements. Ils sont donc pris très au sérieux. Les directeurs des deux organismes – DST et RG – qui du reste vont fusionner en 2008, l'ont fait savoir hier dans une interview collégiale accordée à Libération dans laquelle ils évaluent la menace terroriste contre la France « à un niveau élevé ». Bernard Squarcini de la DST et Joël Bouchité des RG appellent ce faisant à des « relations plus étroites » avec tous les services étrangers pour déjouer les hypothétiques plans terroristes. « Nous avons besoin de relations plus étroites avec tous les services de renseignements étrangers, car nous ne cherchons plus uniquement des réseaux ou des groupes, mais aussi des individus seuls, capables d'actions de type kamikaze », a souligné le patron de la DST. Pour lui, il y a nécessité d'aller chercher à « l'extérieur et de renforcer nos relations internationales ». Le patron de la DST estime que la France se trouve « sous une double menace », sur son territoire national ou ses intérêts à l'étranger dans une allusion à l'Algérie. Ce responsable affirme en effet qu'en l'Algérie « se trouvent des groupes hostiles à la France ». Une peur exprimée également le 23 septembre par le directeur général de la police, Frédéric Péchenard, qui qualifiait de « forte » la menace terroriste, relayé le même jour par la ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie. Michèle Alliot-Marie confirmait que pesaient « des menaces contre notre territoire et contre nos concitoyens ». Pour Claude Moniquet, qui dirige à Bruxelles l'European Strategic Intelligence and Security Center, « la France subit ce niveau de menaces élevé depuis plusieurs années, dû au fait qu'elle intéresse comme cible Al Qaïda mais aussi des réseaux liés aux Algériens ou des réseaux islamistes locaux ». Mais le fait que ces intérêts français soient ciblés dans des attentats récemment en Algérie rend la situation « plus sérieuse » pour les officiels de l'Hexagone. Il est notamment de l'attaque suicide contre un convoi de Français travaillant sur un chantier de construction à Lakhdaria. Une peur qui a poussé la firme Michelin-Algérie à procéder samedi au rapatriement des familles de ses cadres à « titre préventif » à la suite des menaces d'Al Qaïda, emboîtant le pas à l'entreprise Aéroports de Paris (ADP), qui avait fait de même récemment. C'est dire que la France et les Français commencent à prendre très au sérieux cette menace. Et l'intervention des patrons de la DST et des RG hier confirme cette grosse panique qui s'est emparée de la France. Le criminologue Xafier Raufer, qui a déjà séjourné en Algérie dans le cadre d'un séminaire organisé par la DGSN, lui, n'est pas aussi inquiet. « Les choses sont moins problématiques pour la France qu'elles ne l'étaient au mois de juillet », assure-t-il, citant la diminution du nombre d'attentats en Irak, les perspectives de dialogue avec l'Iran et la Syrie, qui pourraient « jouer les rôles modérateurs par rapport à la mouvance islamiste radicale ». Et à Xavier Raufer de conseiller les autorités françaises : « Il faut faire attention à ne pas s'affoler en octobre pour des choses qui étaient vraiment graves en juillet... »