C'est sérieux. Al Qaîda inquiète la France. La menace terroriste est une réalité dans l'Hexagone. Les patrons de la Direction de la surveillance du territoire (DST), Bernard Squarcini, et des Renseignements généraux (RG), Joël Bouchité, reconnaissent que la France est sous la menace de l'organisation terroriste Al Qaîda. Un autre argumentaire pour justifier la fusion des deux services. Dans un entretien paru dans le journal français Libération d'hier, les deux responsables déclarent que la France est doublement menacée par le terrorisme sur son «territoire national ou ses intérêts à l'étranger». L'appel du numéro deux d'Al Qaîda, Aymen Zawahiri, incitant à frapper les intérêts français constitue pour Bernard Squarcini, «un élément complémentaire qui s'inscrit dans un contexte préalable où la menace se situe déjà à un niveau élevé, pour notre territoire national ou nos intérêts à l'étranger» Et d'ajouter: «L'allégeance des maquis algériens à la mouvance Oussama Ben Laden, ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc) devenu Al Qaîda au Maghreb islamique, nous pose un problème. Car nous nous retrouvons sous une double menace, à savoir la menace venant de la mouvance internationaliste, donc Ben Laden, mais également la proximité de l'Algérie, et donc un risque de récidive par rapport à ce que l'on a connu dans les années 94-95» a-t-il souligné. Tandis que Joël Bouchité soutient que le fait que le Gspc ait obtenu le label Al Qaîda Maghreb représente «un danger pour les intérêts français et de la France, et les trois pays du Maghreb.» Et de préciser: «Un groupe circonscrit au territoire algérien s'inscrit désormais dans le jihadisme international, et associe le pouvoir algérien, qu'il conteste fortement, au pouvoir français.» La menace terroriste prise au sérieux, les services de renseignements français n'écartent dorénavant aucune piste. «On travaille sur des mouvements de réislamisation, sur des prédicateurs, sur des gens qui embrigadent. Les lieux propices, ce sont certaines mosquées, des associations avec des buts dissimulés, le milieu carcéral -où se côtoient les condamnés de 95 et des filières afghanes- avec des individus récupérés pour des délits de droit commun. Et là, nous avons un très gros souci. La preuve, c'est que le réseau de Trappes démantelé par la DST avait été monté en 2005 par Safé Bourada, qui avait participé au réseau terroriste de 95, puis était sorti de prison en 2003», souligne Joël Bouchité. Et à Bernard Squarnici d'enchaîner: «Aujourd'hui, on est en face de l'individuel. Nous ne cherchons plus uniquement des réseaux ou des groupes, mais aussi des individus tout seuls, capables d'actions de type kamikaze.» Pour faire face à la menace terroriste, le patron de la DST soutient que la France «a besoin de l'extérieur et de renforcer ses relations internationales. Car il faut aller chercher très loin ce qui risque de nous revenir sur le territoire national». Les deux responsables s'exprimaient au lendemain de la visite à Paris du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Yazid Zerhouni, durant laquelle il s'est entretenu avec son homologue, Michèle Alliot-Marie. Les entretiens, élargis à d'autres responsables de la sécurité, ont été axés sur la coopération antiterroriste entre Alger et Paris. Par ailleurs, cette sortie médiatique intervient trois jours après l'alerte donnée par la CIA faisant état que Al Qaîda projetterait des attentats suicides en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie et en Espagne. D'après la CIA «des opérationnels d'Al Qaîda basés en Europe et aux Etats-Unis» auraient le projet de commettre, au cours de ce mois «des attaques suicides ou des attentats à l'explosif» contre des cibles à Londres et dans des villes en Allemagne, en Italie et en France. Cette dernière n'a jamais été à l'abri de la menace terroriste depuis le revirement de la politique étrangère française vis-à-vis des Arabes, notamment son implication au Liban et en Afghanistan.