Maintenant qu'on a religieusement le droit de manger, la question alimentaire devrait ressurgir. La vie est chère, manger revient cher. De la viande au poisson et des fruits et légumes, les produits alimentaires représentent le gros des dépenses. En Algérie, l'Aïd El Fitr prend donc tout son sens. Manger est un acte sacrificiel, manger est un acte de dévotion envers la nature, seule pourvoyeuse d'aliments. Avec les importateurs. Faut-il donc en ce jour particulier prier la nature et ses bienfaits ou les importateurs et leurs containers ? A voir le mépris de l'Algérien envers sa terre, la polluant, la recouvrant pudiquement de sachets noirs, jetant dans ses rivières ses déchets et dans ses vallées tout ce qu'il ne peut ingurgiter ou vendre, on pourrait répondre qu'il préfère accorder sa grâce à l'importateur. D'abord parce qu'un importateur est riche et que l'Algérien a beaucoup de respect pour la puissance. Ensuite peut-être parce que la nature est ingrate. En Algérie, pays consommateur, consumériste et consumable, la mer ne donne pas assez de poisson, les vaches accordent parcimonieusement leur viande et la terre, bétonnée par les plans d'urbanisme sauvage, fait payer chèrement ses fruits. L'Aïd El Fitr est donc un filtre, en ce sens qu'avant et après, tout change, en ce sens que les décantations opérées pendant le Ramadhan font que l'Algérien est ruiné à l'Aïd, écrasé par le réalisme agricole. Paradoxalement, c'est pendant le Ramadhan que les Algériens mangent bien et font des sacrifices en dépensant tout leur argent dans l'apologie du goût et de l'abondance. A partir d'aujourd'hui, le régime va changer. Pâtes et couscous au menu. En attendant que l'autre régime, celui qui tient la bourse, accorde les augmentations et fait croire qu'il maîtrise l'inflation change, il faudra se contenter de peu. D'une zakat d'Etat. Remercions les dieux du pays.