Sarkozy a-t-il piégé, sans le vouloir, sa prochaine visite d'Etat en Algérie prévue en décembre prochain ? A voir les développements géopolitiques charriés par son voyage fastueux et fort juteux (des accords de 3 milliards de dollars) au Maroc, le président français ne serait pas forcément le bienvenu à Alger. Bien qu'il ait utilement déminé – au propre et au figuré – le terrain de son voyage annoncé par la remise des plans de pose des mines sur les frontières est et ouest via le général Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des forces armées françaises, dépêché en Algérie, force est de constater que le terrain demeure encore miné. Le soutien franc et sans réserve apporté par Sarkozy au plan marocain dit d'autonomie pour le Sahara occidental n'est pas fait pour contenter Alger qui y voit un alignement inacceptable, ne cadrant pas avec le fantasme de Sarkozy de lancer son union méditerranéenne. En effet, et dans son souci de ratisser très large pour donner naissance à cet objet géopolitique que lui-même n'a pas encore identifié, le nouveau chef de la France a brisé son élan chemin faisant. Il est assurément difficile d'imaginer l'Algérie donner un chèque en blanc dans ce projet, encore flou, à un homme qui tourne publiquement le dos à ses préoccupations. Ceci est d'autant plus vrai que l'union méditerranéenne revendiquée par Sarkozy ne pourrait être expurgée au risque de la dévitaliser de la question du Sahara occidental qui constitue le contentieux historique entre Alger et Rabat. Le règlement juste et définitif de ce dossier conformément aux résolutions onusiennes est seul à même de servir de pierre angulaire à cet édifice en construction que projette le patron de l'Elysée. Mais, en se rangeant avec armes et bagages du côté marocain, Nicolas Sarkozy a peut-être tué son projet dans l'œuf, du fait qu'il ne saurait y avoir d'union méditerranéenne sans l'Algérie dont la position géostratégique fait d'elle un partenaire incontournable. Et Nicolas Sarkozy n'ignore pourtant pas cette réalité… Des atomes à tort et à travers... On se demande alors par quelle pirouette le président français va se sortir de ce dilemme en décembre prochain quand il sera appelé par les autorités algériennes à s'en expliquer. A moins qu'il n'ait cru qu'avec son petit geste sur les mines – du reste très en retard – il pouvait se permettre de ramer à contre-courant des intérêts géopolitiques de l'Algérie. L'autre dossier qui risque d'obscurcir l'horizon de cette visite annoncée de Sarkozy c'est celui de ces atomes crochus avec Sa Majesté le roi. En insistant sur sa volonté de « nucléariser » le Maroc pour en faire un modèle dans toute la région, Sarkozy ne devrait pas non plus ignorer que cette offre de service est de nature à « électriser » ses relations avec l'Algérie. Surfer aussi nonchalamment sur des contentieux aussi sensibles entre des pays qui ne s'aiment pas forcément n'est sans doute pas une bonne recette pour qui veut rassembler. Parce que, à y voir de près, c'est la France qui a tout à gagner de cette chimérique union méditerranéenne. L'objectif « sarkozyen » se décline sous forme de sécurité énergétique pour son pays, arrêt des flux migratoires toujours en direction de son pays et bien sûr des barrages sécuritaires en Méditerranée (en Algérie, au Maroc et en Tunisie) aux terroristes pour sécuriser la France. Pour cela, Sarkozy semble déterminé à mettre le prix quitte à distribuer des atomes à tort et à travers en leur accolant l'adjectif commode de « civils ». Hier encore, la France a réitéré sa disponibilité à aider l'Algérie à se doter de la technologie nucléaire à des fins civiles. Son secrétaire d'Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur, Hervé Novelli, en visite à Oran, a renouvelé la proposition aux Algériens : « Nous sommes disponibles à aider l'Algérie dans le nucléaire civil. Nous attendons des propositions de la part des autorités algériennes. » Mais ce responsable pourrait attendre vainement en ce sens que la France ne conçoit ce partenariat que sous l'angle d'une alliance stratégique entre Sonatrach et GDF désormais « allié » avec Suez. En clair, la France de Sarkozy n'envisage de coopération dans le nucléaire avec l'Algérie que dans l'optique de mettre la main sur Sonatrach. Or, l'Algérie n'est pas demandeuse d'électricité et la technologie nucléaire, elle est allée la chercher en Afrique du Sud et même aux Etats-Unis puisqu'elle a signé en juin dernier un protocole d'accord dans le nucléaire civil avec les Etats-Unis et ambitionne de produire à terme de l'électricité avec de l'uranium. Que pourrait donc apporter Sarkozy à l'Algérie en décembre sinon de la littérature qui ne trompe plus personne et peut-être même un autre scandaleux : « Je ne suis pas (re) venus pour m'excuser ! ». Une chose est certaine, Nicolas Sarkozy s'apprête à fouler un terrain miné en Algérie. Il devrait donc savoir où mettre les pieds…