Alors qu'il n'était que candidat à la présidentielle française, Nicolas Sarkozy avait énoncé son projet d'union méditerranéenne. Un projet qui, dans son esprit, ne visait qu'à empêcher la Turquie d'entrer dans l'Union européenne, une perspective à laquelle il était personnellement opposé. Nicolas Sarkozy était, à ce moment-là, de ces hommes politiques français qui considéraient que les frontières de l'Europe s'étendraient dangereusement jusqu'à l'Asie si jamais la Turquie en devenait un membre à part entière. Il faisait ainsi totalement siennes les thèses d'une droite extrême qui, conduite par le souverainiste Philippe de Villiers, avait trouvé en Nicolas Sarkozy son champion incarné. Ce dernier, élu président, révise sa copie pour ce qui est de l'adhésion turque à l'UE car les autres pays européens, notamment l'Allemagne, où viennent des millions de Turcs, ne partagent pas l'ostracisme de la France sur cette question. Isolé sur le dossier de la Turquie, Nicolas Sarkozy ne persiste pas moins, aujourd'hui, dans son idée d'union méditerranéenne sans pour autant en avoir les clés. C'est en fait une idée dans l'air qui n'a que peu de chances d'aboutir. Que pourrait en effet proposer le président français aux pays riverains de la Méditerranée pour les amener à ses vues ? La question se pose surtout pour les pays de l'ensemble maghrébin sur lesquels Nicolas Sarkozy semble vouloir concentrer ses efforts comme en atteste sa récente visite d'Etat au Maroc et celle prévue en Algérie au mois de décembre prochain. Force est de relever que le président français, dans cette affaire, ne plaide pas pour sa propre cause en multipliant les écarts diplomatiques sur un thème aussi sensible, dans la région, que celui de la décolonisation du Sahara occidental sous occupation marocaine, ou en reconnaissant les fautes et les crimes de la France contre le protectorat marocain alors qu'il a toujours nié ces mêmes fautes et crimes de la France en Algérie. Comment pourrait-il y avoir des relations sereines lorsque le président français tient des discours à la carte, disant au Maroc ce que ses hôtes avaient envie d'entendre et c'était d'ailleurs l'arrière-plan de marchés avantageux obtenus par la France au Maroc. C'est de la repentance à géométrie variable qui témoigne d'une forme d'arrière-pensées chez le président français qui espérait vendre au Maroc - sans y parvenir - l'avion de chasse Rafal, ce qui aurait impulsé la course aux armements dans la région. C'est là où apparaît toute l'ambivalence de la démarche du chef de l'Etat français qui, d'un côté, plaide pour une union méditerranéenne indemne de conflits et dédiée au développement, et de l'autre, s'efforce de vendre un avion de guerre supersophistiqué dont il faut bien se demander contre quel pays de la région il servirait. A Tanger, Nicolas est resté dans ce registre du discours à double entente qui consiste à dire une chose et à faire son contraire. Quel message fort - et en direction de qui - a-t-il ainsi voulu lancer en prenant faits et causes pour les thèses marocaines dans le conflit du Sahara occidental alors que la question fait l'objet de résolutions claires et nettes du Conseil de sécurité dont la France est au demeurant un membre influent. C'est une chose que de vouloir, comme l'a fait Nicolas Sarkozy au Maroc, défendre les intérêts de son pays, c'en est une autre que de piétiner les sentiments des peuples de la région qui peuvent comprendre les déclarations de Nicolas comme une insulte faite autant au passé qu'à l'avenir. Ce sont des déclarations de nature à entériner une désunion méditerranéenne.