L'ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, a réitéré depuis la capitale des Ziban l'appel lancé le 14 septembre dernier par lui, par Hocine Aït Ahmed ainsi que par Abdelhamid Mehri pour une sortie de crise concertée. Biskra. De notre envoyée spéciale Improvisant une discussion en marge des travaux du colloque sur la révolte d'Ahmed Bey, le leader politique a indiqué que cette initiative a pour objectif d'engager « une réflexion commune afin d'arriver à recréer l'autorité de l'Etat ». Invité à donner plus de précision sur l'esprit de l'initiative des trois, Mouloud Hamrouche a souligné qu'elle n'a pas pour caractère d'exclure qui que ce soit, étant rassembleuse et visant à mener à la révision des modes de gestion de l'Etat. « Nous nous trouvons devant une impasse aujourd'hui », dira-t-il en expliquant que deux choses le prouvent : d'abord l'incapacité de gérer l'Etat en tant qu'autorité et la rupture du lien entre Etat et société. « Nous devons arrêter avec le transitoire et aller vers une véritable transition », estime l'homme politique en prenant pour exemple la réussite des pays développés grâce aux régimes démocratiques. « L'initiative que nous proposons est claire et directe et apporte une solution basée sur le dialogue et l'entraide », note Hamrouche en précisant que jusqu'à l'heure actuelle, il n'y a pas eu encore de réponse de la part du pouvoir. Le responsable politique considère que la situation actuelle est telle que l'écoute doit être tendue à toute action visant à sortir le pays de l'engrenage. « Notre mémoire est fragmentée et mal interprétée » « Le pouvoir m'a été donné par Hussein, avec le consentement de tous les habitants de Constantine et de la Province, je me rends donc à mon centre de commandement et agirai selon la volonté des chefs de Constantine », cette phrase fut la réponse de Hadj Ahmed Bey au général français De Bourmont, lui proposant de se rendre suite à la prise d'Alger. Une phrase qui retint particulièrement l'attention de l'ex-chef du gouvernement, Mouloud Hamrouche qui, invité à donner une allocution à l'occasion de la tenue du colloque sur le Bey de Constantine, a choisi de placer la réponse d'Ahmed Bey dans le contexte actuel. « Lorsque le Bey dit que sa responsabilité s'achève devant la volonté du peuple qui l'a choisi, il exprime clairement ce respect de la souveraineté du peuple. Même ayant été placé par la sublime porte d'Istanbul, l'occupation française a créé une crise et de ce fait la souveraineté du peuple est appelée à s'exprimer. Le problème de souveraineté se pose aujourd'hui à nous », souligne M. Hamrouche, en précisant que sa présence à ce colloque est celle d'un simple militant qui a vécu la guerre de Libération et la période d'édification de l'Etat algérien voulant apporter sa contribution à la modernisation des modes de gestion et de gouvernance du pays. Mouloud Hamrouche précise que le concept de souveraineté s'est exprimé à travers tous les mouvements de résistance contre l'occupant français et dont la consécration a été le mouvement révolutionnaire de 1954. « Même après la brutalité du combat, le goût suave de la victoire a été le fruit non pas des négociations, mais de l'expression de la souveraineté populaire à travers le référendum d'autodétermination. C'est-à-dire que la souveraineté réelle est au peuple, mais elle doit s'exercer à travers les institutions de l'Etat », note-t-il en plaidant pour une écriture non pas fragmentée de l'histoire mais une écriture rassemblant toutes les pages. « Lorsque les nations passent par une grave crise, et perdent leur histoire, leurs valeurs et leurs repères, elles opèrent un retour sur elles-mêmes, sur leur passé et reviennent à la vraie histoire afin d'éclairer leur chemin de nouveau », dira Hamrouche en notant que la mémoire de l'Algérie est morcelée telle un tableau qui s'est cassé. « Notre mémoire est un ensemble de fragments éparpillés sur le territoire national et il est regrettable de constater que cette même mémoire soit présentée comme un ensemble d'éléments opposés et contradictoires ou encore qu'elle soit amputée de certains de ses éléments, alors que la mémoire c'est une reconnaissance de toute notre histoire avec ce qu'elle comporte comme contradictions et oppositions ». Pour cet homme politique, le danger n'est pas dans la lecture de l'histoire, mais dans l'affrontement des vues, « il est impératif de relater les faits et laisser l'histoire juger. Cette opposition entre différentes mémoires nous l'avons vécue ces dernières années ; ou encore lorsque l'on évoque la guerre de Libération en distinguant entre les wilayas et mettant la mémoire de l'une contre celle de l'autre ». Mettant son propos dans le contexte du colloque, Hamrouche réprouvera la fixation sur le conflit entre Ahmed Bey et l'Emir Abdelkader dont les deux histoires se complètent et ne s'opposent pas.