L'Observatoire sur les victimes des migrations, Fortress Europe », vient d'établir deux rapports distincts particulièrement accablants sur le traitement réservé aux immigrants dits « clandestins » (terme contesté par les ONG) en Algérie et en Libye. Intitulé « Fuite de Tripoli. Rapport sur les conditions des migrants de passage en Libye », le premier document évoque d'entrée le phénomène des harraga algériens qui ne cessent de multiplier les tentatives de gagner l'autre rive. A la clé, un chiffre effarant : quelque 1400 harraga ont pris le large depuis les côtes algériennes à destination de l'Italie en 2007. « Durant les neuf premiers mois de 2007, 12 753 migrants sont arrivés en Sicile à bord de moyens de fortune, 20% en moins par rapport aux neuf premiers mois de 2006. Durant la même période, 1396 migrants ont débarqué en Sardaigne en provenance d'Algérie. » Reprenant de larges pans d'un rapport confidentiel de l'agence européenne Frontex pour la sécurité et les frontières extérieures de l'UE consacré à un plan de coopération avec la Libye, le rapport indique que « 53 842 immigrants ont été arrêtés et déportés en Libye en 2006. Plus de 60 000 migrants et réfugiés étaient détenus dans les prisons libyennes en mai 2007. Au moins 200 000 migrants ont été expulsés de la Libye entre 2003 et 2006 ». On y lit aussi que le budget de Frontex va doubler en 2008 pour passer à 70 millions d'euros. « L'UE a offert à Tripoli un système de surveillance de sa frontière sud », souligne le document en annonçant que « l'Italie, avec l'UE, est en train d'intensifier ses relations avec la Libye afin de bloquer le phénomène de l'immigration par la mer qui, en Italie, représente 8% de l'immigration irrégulière ». L'on apprend aussi qu'en échange de ses bons et loyaux services, « la Libye a demandé à l'UE, entre autres, 12 avions, 14 hélicoptères, 240 véhicules, 86 camions, 80 pick-up, 70 autobus, 28 ambulances, 12 systèmes radar, 10 navires, 28 vedettes à moteur et 100 canots ». Le rapport de Fortress Europe détaille la « sale besogne » confiée à la Libye contre cet arsenal de guerre. « Les morts dans le désert et dans le canal de Sicile, les tortures et les violences sexuelles dans les centres de rétention financés pas l'Italie, les déportations dans le Sahara, les expulsions collectives au large de nos mers, les rapatriements des réfugiés sur les vols payés par Rome, les déportations depuis Lampedusa, les homicides dans les commissariats, les abus des passeurs et les attaques racistes à Tripoli. Tout ce qu'il ne faut pas savoir sur le pays auquel l'Italie et l'UE ont confié la garde des frontières du Sud, à la veille des contrôles Frontex en Libye en 2008, quand les reconduites au large seront la règle. » Le rapport sur la situation des immigrants subsahariens en Algérie, quant à lui, se base sur des témoignages de migrants refoulés et recueillis par l'Association des refoulés d'Afrique centrale au Mali (Aracem). « L'Algérie est une vaste prison aux portes de la Fortress Europe », note d'entrée le rapport qui n'hésite pas à qualifier notre pays de « gendarme de l'Union européenne », en précisant que « 40 000 migrants issus de 54 nationalités ont été arrêtés en Algérie entre 2000 et 2007 ». « Privés de procès équitable, détenus dans des conditions dégradantes, 27 500 ont été reconduits aux frontières du Mali et du Niger dans la même période, abandonnés à eux-mêmes dans le désert saharien », ajoute le rapport en soulignant que des centaines de personnes expulsées sont bloquées à la frontière et survivent dans des conditions très précaires, dans l'oasis de Tinzaouatine. Dans une alerte datée du mois d'octobre 2007, l'Observatoire Fortress Europe avertit : « Le massacre aux portes de l'Europe ne s'arrête pas. Au moins 296 migrants et réfugiés sont morts en essayant de rejoindre les pays de l'Union européenne durant le mois d'octobre 2007 (…) Déjà, 1343 victimes de l'immigration clandestine depuis le début de l'année. »