Les Africains pourront-ils récupérer un jour les capitaux volés et déposés dans les pays du Nord ? Il n'y a encore aucune évaluation des grosses sommes d'argent détournées par des dirigeants corrompus ou par des entreprises mêlées à de sales affaires. Hier, lors de la 9e session du Forum pour le partenariat avec l'Afrique (FPA), qui se déroule au Palais des nations, à Club des pins, à l'ouest d'Alger, la question a été abordée. Autant dire que c'est la première fois que ce problème est posé de cette manière. C'est que l'Afrique traîne la mauvaise réputation d'être un continent à large corruption. Autant dire que c'est la première fois que ce problème est posé de cette manière. C'est que l'Afrique tra Le dernier rapport de Transparency International, ONG basée à Berlin, l'a clairement prouvé. « Les lacunes persistantes dans les dispositifs de lutte contre les corrupteurs dans les pays développés entravent le combat livré aux corrompus et à la corruption dans les pays africains », a estimé Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines. Abdelaziz Bouteflika, qui a ouvert la session, en compagnie du président allemand Horst Kohler, a parlé de « terrible fléau ». « Sur notre continent plus qu'ailleurs, chaque acte de corruption a des effets désastreux sur le développement socioéconomique », a noté le chef de l'Etat algérien qui a appelé à « l'engagement actif » des pays africains et des « partenaires au développement ». « Les initiatives prises à cette fin par l'OCDE et la Banque mondiale sont certes méritoires mais elles restent limitées dans leur portée », a noté Bouteflika. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui organise le FPA avec le G8 et l'Union africaine (UA), s'est dotée en 1997 d'une convention contre la corruption qui contraint les entreprises à ne pas verser de commissions aux intermédiaires lors de la signature de contrats internationaux. L'Afrique du Sud est le seul pays du continent à avoir rejoint cette convention. Le 21 novembre courant, Rome va abriter une conférence de haut niveau pour évaluer l'application de cette convention par les 37 pays signataires. L'Algérie a ratifié des conventions des Nations unies et de l'Union africaine de lutte contre la corruption. La convention africaine est presque gelée parce que l'Algérie n'a pas encore installé un comité chargé du suivi du respect des obligations contenues dans le document. Alger refuse toujours de permettre à un collège d'experts de se créer pour vérifier l'application de la convention de l'ONU. Aucune explication n'est donnée à ce refus. Le pays s'est doté, depuis février 2006, d'une loi anticorruption mais qui est en retrait par rapport à la convention onusienne en matière de rapatriement des avoirs. Cette convention stipule que chaque pays doit accepter de rapatrier les capitaux détournés et donner son accord pour une coopération technique internationale liée à cette opération. Cette disposition a été — curieusement — supprimée dans la loi anticorruption de 2006. Cette faille a été signalée à l'ONU par l'Association algérienne de lutte contre la corruption qui représente Transparency International à Alger. Intervenant hier, la représentante de la Norvège, qui est un pays modèle en matière de transparence, a proposé l'aide de son pays pour tracer l'argent volé dans les banques occidentales et autres institutions financières. Les entreprises norvégiennes qui activent en Afrique sont, selon elle, sommées de respecter les règles d'éthique. « Il y a urgence. Il faut agir pour récupérer les capitaux détournés », a relevé le délégué de la Suisse. Il a rappelé la création du Centre international pour le recouvrement d'avoirs volés (International Center for Asset Recovery, ICAR), basé à Bâle, qui offre une assistance judiciaire et technique pour retrouver les fonds volés et les bloquer. Les banques suisses ont déjà restitué de grosses sommes au Nigeria et au Pérou. L'ICAR, qui offre des possibilités de formation, joue parfois le rôle de facilitateur ou de représentant légal pour le recouvrement des actifs. Adebayo Adedeji, président du panel des éminentes personnalités du Mécanisme d'évaluation par les pairs (MAEP), créé par l'Union africaine depuis quelques années, a estimé que la balle est dans le camp des pays du Nord. A ses yeux, les banques ne doivent pas accepter l'argent d'origine douteuse. « La promotion de la gouvernance en Afrique ne peut être réduite à la seule lutte contre la corruption ni en être la principale motivation », a averti Abdelaziz Bouteflika. Reste que le MAEP, dont l'Algérie est membre fondateur, répond, selon lui, aux préoccupations liées à la propagation de ce fléau. Le MAEP est unique en son genre, selon Abdelkader Messahel. Le représentant de l'OCDE a pourtant noté qu'un instrument d'évaluation, similaire au MAEP, existe au sein de cette organisation. Comme il en existe un autre dans la Commission européenne. L'Algérie, le Ghana, l'Afrique du Sud, le Rwanda et le Kenya se sont déjà « soumis » à l'évaluation. Messahel a annoncé que le rapport sur l'Algérie, élaboré par le comité national d'autoévaluation, sera rendu public ces jours-ci. « Il y a des pays qui ont trouvé les questions du MAEP intimidantes. Ils les ont simplifiées. Mais on a signé un mémorandum d'entente pour travailler en toute liberté », a observé Adebayo Adedeji qui a parlé de « contextualisation du travail ». Autrement dit, une musique à chaque danse ! « Le MAEP a permis à chaque pays de mieux connaître ses réalités, à prendre conscience de ses points forts, de cerner de près les défis à relever », a noté Messahel qui a insisté pour mettre à l'abri ce mécanisme de « toute utilisation politicienne » ou de « son instrumentalisation » à des fins de « pression ». Horst Kohler a noté, pour sa part, que le temps des solutions « dictées » par le Nord est révolu. Il a plaidé pour faire participer les jeunes au dialogue entre l'Afrique et ses partenaires du Nord. Le délégué du Danemark a proposé d'impliquer la société civile et les médias pour améliorer « la bonne gouvernance ». « Pour être bonne, la gouvernance doit d'abord être démocratique », a souligné le représentant de la Suède. Celui du Canada a insisté sur le rôle que peuvent jouer les femmes alors que le délégué de la Suisse a mis l'accent sur le respect des droits humains. « Gouvernance et développement » est la thématique choisie pour le 9e FPA.