Selon les chiffres de “la ponction” opérée de manière globale sur les économies des pays en développement, Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI indique que la saignée est massive et représente 1 000 milliards de dollars. Juste avant que ne s'ouvrent les travaux du G8 au Canada pour refaire le point sur la situation financière mondiale et la bonne gouvernance en Afrique en présence de dirigeants membres du Nepad, les Etats-Unis avaient organisé du 15 au 18 juin à Yaoundé, au Cameroun, un séminaire régional sur la lutte contre la corruption en Afrique. Sous la férule du département américain de la Justice, experts judiciaires, administratifs, procureurs et associations de la société civile d'une dizaine de pays, devaient réfléchir ensemble sur les mécanismes et les outils à déployer pour sécher les robinets de la corruption. Si la lutte contre la corruption devient un générique selon plusieurs experts présents à cette rencontre, notamment depuis que la Convention des Nations unies contre la corruption est entrée en vigueur dans certains Etats, particulièrement, européens et américains, le recouvrement et la récupération des avoirs volés sur le continent africains, disséminés en dépôts et biens immobiliers à travers le monde occidental, ont constitué l'essentiel des travaux de ce conclave contre la corruption et les gouvernance à la mode ripoux. Pour les associations de la société civile africaine, à quoi sert-il de lutter contre la corruption si au final, l'argent détourné ne revient pas dans les caisses publiques d'où il a été puisé ? Le but de la lutte contre la corruption consiste à faire ramener l'argent et à le mette au service du développement. Sinon, se contenter de dénoncer les rapines de fonctionnaires et de décideurs corrompus, revient à absoudre ces derniers et faire preuve d'évangélisme. Bon, il vrai qu'aujourd'hui, les places financières internationales regardent par trois fois d'où provient l'argent et les paradis fiscaux sont sous haute surveillance. Une semaine avant ce séminaire, les 8 et 9 juin, la Banque mondiale et les Nations unies organisaient à Paris un forum international sur le recouvrement et la récupération des avoirs volés en Afrique et placés en Suisse. Une première. Au cours de ce forum qui a permis de mettre en évidence des exemples de prédation, la Banque mondiale révèle que “les fonds volés à leur propre pays par les dictateurs et leurs complices représentent entre 20 et 40 milliards de dollars par an” ! Selon les chiffres de “la ponction” opérée de manière globale sur les économies des pays en développement, Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI indique que la saignée est massive et représente 1 000 milliards de dollars. Des chiffres qui donnent le tournis lorsque l'on sait qu'avec 100 millions de dollars, par exemple, on peut traiter 600 000 malades du sida ou raccorder 250 000 ménages à l'eau potable, leur éviter les maladies hydriques qui tuent encore en Afrique, autant que le sida. À Yaoundé comme à Paris, les experts se sont encore accordés sur la difficulté de produire des preuves attestant de l'origine criminelle des fonds controversés. “Il faut prouver l'origine criminelle des fonds, et, tâche plus difficile, identifier la destination exacte de l'argent et les banques qui logent ces fonds volés. Cela suppose que dans les pays victimes, on prenne des initiatives et que les centres financiers se montrent coopératifs. “Dans les deux cas, cela ne va pas de soi”, expliquait Jean Pesme, manager intégrité des marchés financiers à la Banque mondiale lors du forum de Paris. Jim Lord, procureur à Seattle aux Etats-Unis, devait pour sa part, insister à Yaoundé sur les preuves de détournements. “Les autorités camerounaises nous envoient souvent des listes de personnalités sur qui pèsent des soupçons de détournement de fonds, sans indiquer exactement ce qu'elles ont piqué, le nom de la banque ou encore la ville où est située celle-ci. Ce n'est pas à nous de faire ce travail à leur place si elles veulent rentrer en possession de ces avoirs placés aux Etats-Unis”, a-t-il souligné. En fait, les banques où fructifie cet argent volé ne sont pas pressé d'ouvrir les dossiers, et quand la voie judiciaire est convoquée, bonjour les procédures. Le sacro-saint secret bancaire, les artifices juridiques et l'habileté des avocats qui compliquent la saisie des fonds incriminés. D'après le procureur américain, il est difficile de rentrer en possession des avoirs volés à cause du mauvais ficelage des dossiers et de lourdeurs observées dans les procédures judiciaires des mis en cause dans les affaires de corruption. Et, au-delà, il y a l'absence de conventions entre les pays pour le rapatriement d'avoirs dilapidés ! Alors, comment parler de la convention des Nations unies contre la corruption ? Malgré ces écueils, certains pays comme le Nigeria et le Mali ont réussi à retrouver et à récupérer tout ou partie des avoirs volés dans ces pays. Après une bataille juridique de trois ans, en vertu d'un accord amiable entre le gouvernement nigérian et la Confédération suisse, 505 millions de dollars furent rapatriés dans ce pays sur les 2,2 milliards de dollars dont le président Sani Abacha était accusé d'avoir détournés. Mme Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale du groupe de la Banque mondiale et ancienne ministre des Finances du Nigeria, s'est étendue lors du forum de Paris, sur les méthodes utilisées par feu président Abacha. “Il procédait de deux façons : soit il faisait gonfler les marchés publics pour s'approprier la différence, soit il allait directement se servir à la Banque centrale de mon pays. Avec son fils et ses amis, il faisait ensuite circuler cet argent au Kenya et à Londres, puis en Suisse pour brouiller les pistes”, rapporte-t-elle dans le quotidien français le Monde. Après six ans de débats juridiques et de blocages administratifs, les cantons suisses de Vaud, Neuchâtel, Zurich et Genève, concernés par les détournements orchestrés par l'ex-président malien Moussa Traoré, décident de reverser la somme de 2,4 milliards de dollars saisis dans différents comptes à l'Etat malien. D'après Valentin Zellweger, chef de la division droit international public au département fédéral suisse des Affaires étrangères, au cours des 15 dernières années, la Suisse qui abrite plus 800 milliards de dollars d'avoirs illégaux dont 250 proviennent des pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique, a restitué aux Etats concernés moins de 20 milliards. Une goutte d'eau !