Le fameux statut du journaliste algérien longtemps attendu est enfin sujet à débat. Le ministère de la Communication a envoyé hier aux directeurs des médias publics et privés un projet de décret exécutif fixant le régime spécifique des relations de travail applicable aux journalistes et assimilés. Ce texte de huit chapitres, qui devra être enrichi par les professionnels des différentes rédactions, devrait encadrer une profession qui navigue à vue depuis l'instauration du pluralisme médiatique au début des années 1990. Pour ce faire, le ministre de la Communication, Abderrachid Boukerzaza, a fixé une « dead line » – le 8 décembre prochain – au-delà de laquelle les commentaires, observations et autres propositions ne sauraient être pris en considération. Il faut souligner d'emblée que ce projet de statut du journaliste repose juridiquement sur la loi 90-11 sur l'information adoptée le 21 avril 1990. Elle s'applique à tous les journalistes et assimilés, « salariés permanents ou contractuels exerçant dans les organes de presse publics, privés ou créés par des associations à caractère politique, ainsi qu'aux collaborateurs de presse et correspondants de presse ayant le statut de salariés et aux journalistes salariés accrédités », souligne l'article 2 des dispositions générales. L'article 3 précise que ce texte énonce les règles de discipline, du secret professionnel, les conditions d'exercice de la profession de journaliste, la durée de travail ainsi que la sécurité et la santé au travail. Le décret classifie ensuite les catégories professionnelles du journaliste dit « professionnel » au contractuel en passant par le collaborateur, le stagiaire et le journaliste accrédité. Le deuxième chapitre du projet série les droits et obligations du journaliste et assimilés toujours conformément à la loi 90-07 relative à l'information. La nouveauté dans ce chapitre étant que la mouture du ministère consacre le droit du journaliste d'adhérer à n'importe quel parti politique et de jouir d'une liberté d'opinion. De la même manière qu'il pourra s'engager dans un syndicat de son choix « conformément à la législation en vigueur ». Le texte évoque également le droit du journaliste à une carte professionnelle « dont les formes et les conditions de délivrance seront déterminées par arrêté du ministre chargé de la Communication ». Aussi, le texte consacre le droit du journaliste à « opposer son refus de signature d'un écrit lui appartenant, lorsque celui-ci a fait l'objet de modifications substantielles et ce quel qu'en soit leur auteur ». En revanche, le texte n'évoque pas expressément l'exercice de la clause de conscience, bien que cette question soit prise en charge par la loi sur l'information. Au plan social, le projet de statut du journaliste oblige les directeurs des organes de presse à faire bénéficier leurs journalistes, en plus de l'assurance normale, d'une « police d'assurance complémentaire couvrant l'ensemble des risques exceptionnels » encourus lors des déplacements dans « des zones de conflits, de tension ou hauts risques ». Au titre des conditions d'exercice de la profession de journaliste et assimilé, il y est fait obligation aux responsables des entreprises de presse et des médias audiovisuels de formaliser l'exercice de la profession par la conclusion d'« un contrat de travail écrit entre les deux parties » et ce quelle qu'en soit la relation de travail. Généralités Précisément, cette relation repose sur un contrat à durée déterminée ou indéterminée conformément à la « réglementation en vigueur, les conventions ou accords collectifs ». Implicitement, le texte du ministère encourage les collectifs des journalistes des différentes rédactions et leur direction à conclure des conventions collectives qui serviront de base à toutes les négociations et au règlement des différends. ` C'est à cette convention que le ministère se réfère d'ailleurs au chapitre sensible de la rémunération des journalistes. Les pouvoirs publics renvoient la question salariale « aux minima fixés pour la profession, par voie de convention ou d'accord collectif ». Ils fixent cependant le salaire minimum à offrir aux journalistes et assimilés qui ne saurait être « inférieur » au SNMG justement. Le ministère laisse le soin aux journalistes et à leurs employeurs de déterminer, le cas échéant, les instruments d'évaluation et de classification professionnels via les conventions collectives. Par ailleurs, le projet de décret exécutif portant statut des journalistes astreint tous les organes de presse à élaborer un règlement intérieur. Ce document est censé fixer « les règles de discipline spécifiques aux journalistes et assimilés, la qualification des fautes professionnelles et les degrés de sanctions y afférentes ». La mouture du ministère consacre également des chapitres à la cessation de la relation de travail du journaliste (licenciement, indemnité…), à la formation, à la promotion et autres droits sociaux. Au final, cela donne un projet globalement positif qui gagnerait à être enrichi par les journalistes eux-mêmes ; une corporation ouverte aux quatre vents et qui aura souffert de la précarité à tous les niveaux.