Mis à part un séminaire, tenu en début mai à Constantine, un projet de décret quasiment bouclé sur les conditions socioprofessionnelles d'exercice du métier de journaliste en Algérie n'a pas suscité de débat à la mesure de ses enjeux. Même si des éditeurs et le Syndicat des journalistes ont été auditionnés durant son élaboration. Se référant à la loi du 21 avril 1990 relative à l'information – en réalité mise sous le boisseau depuis treize ans par l'état d'urgence -, la mouture du projet de texte réglementaire innove par certains points concrets pour consacrer des droits nouveaux aux professionnels. Elle passe à la trappe aussi des enjeux fondamentaux liés aux nouveaux défis de la liberté de communication à partir des responsabilités imparties aux journalistes dans un Etat de droit. Ce qui pose problème essentiel en l'occurrence est, affichée dès l'article 1er du texte, cette référence à la loi de 1990. Les rédacteurs, postulant on ne sait pourquoi son effectivité, y vont d'une formule convenue : « Le présent décret a pour objet de fixer le régime spécifique des relations de travail applicable aux journalistes exerçant auprès des organes de presse, publics et privés ou créés par des associations à caractère politique. » Le projet de texte impartit (article 2) aux employeurs de reconnaître le statut de journaliste professionnel aux journalistes salariés permanents ou contractuels, ainsi qu'aux collaborateurs et correspondants ayant le statut de salariés. Parmi les droits moraux reconnus dans ce projet de décret figurent en particulier celui de la liberté d'opinion et d'appartenance politique – sans que « leur expression publique ne nuise aux intérêts moraux de l'organe employeur. » En coauteur d'une œuvre collective, on note aussi (article 6) la reconnaissance au droit « de propriété littéraire et artistique sur son œuvre dans des conditions qui sont définies dans le contrat de travail le liant à l'organe de presse employeur. » Le journaliste professionnel a aussi le bénéfice d'une formation continue impartie par la convention. Il lui est reconnu enfin dans ce volet moral le droit de refuser de signer un papier maquillé par « des modifications substantielles ». Face aux dangers physiques liés à des activités en situation exceptionnelle toute convention d'organe d'information prévoit une police d'assurance complémentaire souscrite par l'employeur lorsque le journaliste est « dans l'obligation de ses rendre dans des zones de conflits, de tensions ou à hauts risques. » Au versant des devoirs il est à noter en particulier que le texte revient à la loi de 1990. L'article 8 dispose que « le journaliste et assimilé est tenu dans l'exercice de ses fonctions par l'obligation du secret professionnel dans les limites posées par les dispositions de l'article 7 de la loi relative à l'information. » On sait le texte de référence à contre-courant du sens de cette notion du secret professionnel. En Etat de droit l'atout du secret professionnel – respectueux des principes du métier – vient plutôt conforter le travail serein et rigoureux du journaliste. Son droit à la préservation de l'identité de ses sources est à même de lui permettre d'approfondir son travail d'investigation en rassurant les personnes citées ou pourvoyeuses indirectement d'informations. Le projet de décret réitère le seul aspect d'obligation, au détriment de la charge en droit. Au plan des relations de travail liant employeur et employé (chapitre 4) on prend acte d'une minutieuse recension des obligations et devoirs des deux parties. Au centre des droits est stipulé (article 20) celui à « la promotion du journaliste et assimilé, employé sous contrat à durée indéterminée. » L'article 25 vient conforter ce droit à la promotion en réduisant la tentation de l'employeur à renforcer le caractère aléatoire du stage (deux années), pour faire accéder le stagiaire au contrat de salarié à durée indéterminée. L'article 26 dispose en contrepoint malgré tout que l'employeur est souverain définitif du caractère « concluant » ou pas du stage. Il dispose en ultime sentence de huit jours avant la fin du contrat de stage pour le signifier. Précarité et nomadisme subséquent marquent la profession de journaliste en Algérie ; sur ce dernier point et en bien d'autres des questions mériteraient d'être posées à tout décret de « statut des journalistes » qui plus est fait l'impasse sur la cruciale absence d'une loi sur la liberté de communication.