Il est vraiment rare que le Conseil de sécurité se réunisse en dehors de son siège new-yorkais, et s'il a décidé de le faire, c'est que cela valait la peine de le faire. Et en ce sens, il s'agit de faire la paix, ou aider à la concrétiser. C'est le but de la réunion à partir d'aujourd'hui au Kenya du Conseil de sécurité consacrée exclusivement au règlement des crises au Soudan. Et c'est bien le cas de le dire. Ce pays, potentiellement riche surtout avec la découverte de pétrole, est l'homme malade du continent, risquant si ce n'est déjà fait un démembrement préjudiciable à son unité. La question prioritaire est le conflit du Sud qui dure depuis 1983 lorsque le chef d'état-major de l'armée soudanaise de l'époque, le colonel John Garang, entrera en rébellion contre le gouvernement central qui a décidé d'appliquer la charia sans tenir compte des spécifités locales comme le Sud peuplé de chrétiens et d'animistes. Les ambassadeurs des quinze pays membres du Conseil de sécurité sont tous de ce voyage hors du siège new-yorkais de l'Onu, dont il n'existe que trois précédents depuis 1952. Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, assistera à la première journée de leurs travaux. Lors de cette réunion qui s'achèvera demain dans la capitale kényane, ils comptent adopter une résolution offrant au Soudan l'aide de la communauté internationale pour son développement, à condition qu'un accord de paix soit rapidement signé entre Khartoum et l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) du colonel John Garang. La communauté internationale estime qu'un accord de paix dans ce conflit, qui est la plus ancienne guerre civile d'Afrique, aurait un effet bénéfique pour une solution au Darfour, province occidentale du Soudan où sévissent également un conflit civil et la plus grave crise humanitaire actuelle dans le monde. Le conseil a déjà adopté deux résolutions sur le Darfour, menaçant le gouvernement soudanais de sanctions s'il ne met pas fin aux exactions de milices proarabes contre la population locale. L'ambassadeur des Etats-Unis à l'Onu John Danforth, qui présidera la réunion, s'est dit optimiste sur les chances d'aboutir à un consensus. « Nous y sommes à 99%, on est très, très près », a-t-il affirmé. En ce sens apprenait-on hier auprès des deux parties, la conclusion d'un accord est très proche. John Garang « a dit » mardi au président américain George W. Bush « que c'était une question de jours », à compter de la reprise des pourparlers prévue le 26 novembre, a déclaré un porte-parole de la SPLA. « Je suis du même avis (que la rébellion). Je ne pense pas que nous ayons des problèmes qui ne peuvent pas être résolus en quelques jours ou une semaine », a déclaré le porte-parole de la délégation soudanaise aux pourparlers. Mardi, M. Bush s'est entretenu séparément avec M. Garang et le président soudanais Omar El Béchir pour faire pression pour la conclusion rapide d'un accord de paix, selon la Maison-Blanche. Les deux parties en conflit, qui négocient depuis plus de deux ans au Kenya pour tenter de mettre fin à la plus longue guerre en cours en Afrique, doivent reprendre leurs pourparlers le 26 novembre à Nairobi. Elles ont déjà signé six protocoles couvrant des questions politiques clés, mais elles ne sont pas encore parvenues à la conclusion d'un accord global de paix. Une fois cet accord signé, débutera une période d'autonomie de six ans pour le Sud, au terme de laquelle sera organisé un référendum d'autodétermination pour cette région. De sources diplomatiques, on a indiqué par ailleurs que la fin de cette année sera assignée comme date butoir aux parties aux pourparlers Nord-Sud pour la conclusion d'un accord de paix. M. Danforth a de nouveau souligné que la patience du conseil sera limitée. « Ce qui est clair, c'est que s'il y a la paix au Soudan, la communauté internationale sera là pour aider le Soudan. Autrement dit, c'est aux parties de décider quelle direction elles veulent prendre », a-t-il dit. « Si le choix des parties n'est pas la paix mais la poursuite des combats, si le désastre au Darfour perdure, si les civils continuent d'être victimes, alors la communauté internationale continuera d'être intéressée mais d'une manière totalement différente », a-t-il averti. Le message est clair. Et il est temps que la raison l'emporte dans des conflits suscités et alimentés par des hommes davantage soucieux de leur pouvoir.